j'explose mes phalanges sur ta gueule d'ange | roman

O loving hate - « Roman » Pas un son. « Roman ». Le silence, toujours. Impassible et droit, il passe ses doigts sur la lame. Il ne rencontre pas la matière dure et froide gravée des scorpions mais une matière visqueuse, tiède. Sa main, son arme, son visage, maculés de sang. Le liquide écarlate a souillé cette soirée trop bruyante. C’est la deuxième fois qu’il ôte la vie, de ces dix-huit années de vie. Incapable d’ouvrir la bouche, il se précipite à l’extérieur de la maison pour rejeter la bile qui lui colle à l’estomac depuis plusieurs minutes. S’il avait fait ça proprement, le sang n’aurait pas immaculé ses pores. Il justifie son rejet par la honte de son procédé morveux qui a conduit à un bain de sang. On veut lui toucher l’épaule mais il s’éloigne bien avant, désireux d’éviter un quelconque contact physique. Il laisse la sale besogne aux autres. Il rentre chez lui, la porte qui grince, le vague à l’âme. Il y a sa mère qui contemple le mur de la grande salle à manger. Un regard aussi vide que le sien, du moins, qui veut se montrer absent. Il ne lui adresse qu’un signe de tête infime, tandis qu’il parcourt les couloirs glacés par la torpeur. Un climat que Roman affectionne malgré tout. Cette atmosphère lui correspond puisqu’ici tout est obscurité. Comme une enveloppe chaleureuse elle lui offre la protection, le pouvoir d’observer sans être vu. De murmurer sans être entendu.

O sweet nothing - Les putes, l’alcool, des putes encore. Les stroboscopes vrillent sa vision et le tumulte accroche ses tympans. Il est sollicité de partout. Il est heureux. Des coutumes habituelles qui rassurent les personnes qui les perpètrent. Elles sont tout ce qu’il connait. Bien en place, il fait ce qu’il faut. Et ce qu’il redoute par-dessus tout, est de voir la déception dans les yeux de ses pairs. Au-delà de ses propres principes. On serre des mains, s’incline poliment, encore, une main derrière le dos. Les pensées toujours submergées. Il essaye de faire abstraction de ce flot incessant, il sait comment opérer. Mais il y a du mouvement et ses yeux se rivent sur l’inévitable. Quel connard. Il descend en trombe, du haut de sa tour de verre. « Vous ne le laisser rentrer sous aucun prétexte. » Les hommes en noir qui s’exécutent, un rictus sur son visage. Il désigne cet enfoiré de Tyrell du doigt. C’est dégueulasse. Mais c’est ça vie maintenant. Y'a Blaze qui est toujours là, illustre Argentis. Et il regarde Tyrell, un goût amer dans la bouche, enragé devant l’entrée. Sûrement pour tenter de lui casser la gueule. Mais maintenant il est intouchable. Il s’en veut presque pas. Presque.Plus de place pour la médiocrité à présent.

O brawling love - Elle est partie. La lueur de la flamme de son briquet ombre les murs noirs de la chambre, il n’est plus certain de savoir quoi faire.  Vio est là et Roman serre son épaule. Comme d’habitude. « Tout va bien maintenant, Vio. », prononce-t-il d’une voix rauque. Sa phrase reste en suspens. Silencieux, comme toujours. Certains qualifient l’absence de manifestation verbale ou physique de lâcheté. Il pense qu’il s’agit au contraire d’un signe de grandeur, de présence d’esprit et de réflexion. Y’a pas de peine immense, juste une trop grande compréhension de la fatalité. Et il serre toujours l’épaule de son frère. Il le faut, c’est ce qu’on fait. C’est l’élégance des habitudes.

O cruel life - « Il y autant de cœurs que de formes d’amour. » Tolstoï gravé dans sa mémoire Roman ne demande rien de plus que de pouvoir passer des moments calmes sans parler. Pas vraiment du goût de cette fille qui veut des explications sur le pourquoi, le comment et la destination de leur relation. Qu’il ait dix-sept, vingt ou vingt-cinq ans rien n’a changé. Toujours cette indifférence qui fait fuir les autres. Alors il répond toujours à côté, charmant comme il aime le montrer. Des bonnes manières dans son costume noir. Sa cigarette à la main. Le propre de lui-même, charmer, manipuler, s’évanouir puis s’effacer. « L’amour ? », répéte-t-il après un autre discours vain de son interlocutrice. Une pointe de moquerie teinte sa voix. « Ce mot m’indiffère. Il signifie trop de choses ou pas assez. Tu le sais, n’est-ce pas ? » Elle hoche la tête. Roman se contente alors de détourner le regard, conscient que s'il croisait celui, larmoyant, de la jeune fille, il s'en trouverait encore une fois, dérangé. Rien ne justifie qu’il perde son temps ici.