Voilà maintenant deux heures que je torture le bras de ce pauvre abrutit prêt à laisser les minutes lui transpercer la peau. Une multitude de fois l’aiguille au bout de mon bras perfore ses cellules. Le moment est venu de lui proposer une pause, un sourire en coin, en toute sympathie. Enfiler une cigarette entre mes lèvres et sortir à l’avant du shop pour une minute, le temps de consommer tout le tabac enroulé dans la feuille. Scruter le mur juste à côté de moi, et constater que mes analyses sont bonnes. Regard posé sur une peinture fraîche d’hier, recouvrant l’énième tag d’un inconnu temporaire. Temporaire car cette personne qui dessine un symbole unique sur ma façade depuis des mois, je l’a verrais ce soir. Je le sais. Ce soir, je verrais enfin le visage de celui qui me force à repeindre mon mur chaque semaine. Œil avertit, je retourne à l’intérieur, paré à terminer le travail commencé.
Clé dans la porte, je ferme boutique. Presque trop sûr de moi, j’avance dans la rue bientôt aussi lugubre que les nuits d’hiver. Je ne rentre pas chez moi, pas tout de suite. Une balade de quelques minutes, un passage au tabac, et voilà tout ce que je prévois avant de revenir sur mes pas. Temps presque calculé, une préméditation effrayante. De retour face à mon petit royaume, mon attente arrive enfin à terme. J’attendais quelqu’un que je ne connais même pas. La silhouette de l’individu me fait dos, jolie silhouette loin d’être aussi masculine que je le pensais. C’est les mains dans les poches que je m’en approche. Bien que ses actes me mettent en colère, je range toute la rage dont je pourrais être imprégner. Autant être honnête, le fait que ça soit une femme, et non un homme, m'aide à desserrer les poings. Tout comme le mystère qu'elle dégage. Rester calme, seulement froncer les sourcils à un niveau suffisamment imposant pour se faire respecter. J’ignore si elle sait qui je suis, si elle a seulement déjà vu le visage du con qui repeint bêtement sa façade. C’est ce que je vais découvrir dans l’instant. « Je plains l’idiot qui va devoir recouvrir tout ça demain matin. » Voix que j'apporte derrière son dos. Visage neutre, regard perçant à travers la nuit qui tombe. Je ne l’a lâche pas du regard. Je veux voir chacune des marques de sa réaction, chacun des traits de son visage. Je dois avouer que je suis déçu. Quand tu pense à quelqu’un tous les jours de ta vie, sans même connaître son apparence, tu commence à t’imaginer tous sortes de profils. Jolie blonde, c’était bien loin d’être dans mes pensés. Le temps qu’elle comprenne ce qu’il se passe, je me permets d’enchaîner avec une question que je ne cessais de me poser. « Ca signifie quelque chose pour toi au moins, ou c'est juste pour briser les burnes ? » Un semblant de froideur dans une zenitude incroyable. Voilà comment résumer ce mec, le propriétaire de cette façade qui, mains dans les poches, fait face à son malfaiteur.
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