Tyrell ¤ Crash & burn.

L'horizon était morne. Sa vue était brouillée et il savait pourquoi: le chagrin, le deuil et puis l'alcool surtout. Se retourner le cerveau jusqu'à ne plus connaître son propre prénom, encore moins ceux des personnes qui avaient ruiné sa vie, piétiné son coeur, massacré ses derniers espoirs. Il ne voulait plus rien ressentir, ne plus jamais être cet homme là, celui qui était resté trois ans à croire au bonheur, quand tout cela était du vent dans cette ville. Du vent, comme celui qui faisait miroiter la belle chevelure de sa brune dans ses yeux ambrées. Du vent, comme celui qui venait apaiser les traits de sa brune au coucher du soleil. Du vent, comme le couteau qu'elle lui avait planté dans le coeur en se détournant de lui, main dans la main avec le vice incarné. C'en était trop pour lui, relâchant sa haine sur le trottoir derrière le club, vidant ses tripes en même temps qu'il laissait son coeur par terre. Il n'avait plus rien, Tyrell, plus rien qu'un espoir déchu, que la réalité qui venait lui prouver à nouveau à quel point cet endroit était maudit... A quel point la mort lui plairait quand elle viendrait le cueillir.

Ils étaient pauvres, ils n'avaient rien mais cela n'empêchait pas les Addison d'être heureux, de rêver comme les autres. Tyrell était allongé dans le hamac, une cigarette au coin des lèvres, comme passionné par le soleil qui l'aveuglait. Son téléphone sonna, un message de Roman qui lui demandait de le rejoindre dans leur endroit secret le soir même, qu'est ce qu'il pourrait se passer de meilleur dans cette journée? "Ty', t'as pas oublié l'anniversaire de Taisha ce soir? Mes parents veulent nous voir à dix neuf heures tapantes." Tyrell cacha son désarroi, faisant semblant d'avoir tout à fait conscience de l'heure de rendez-vous, en profitant même pour attraper la jeune femme par la taille pour la faire tomber dans le hamac. Zola se mit à rire instantanément alors que le jeune Addison  envoya sa cigarette au loin pour venir déposer de doux baisers sur la joue. "Mon père te voulait quoi, au fait?" Il sentit un changement instantané dans l'attitude de la jeune femme, qui le repoussa plus fortement qu'elle ne l'aurait certainement voulu, se relevant pour courir vers la maison. Tyrell parut décontenancé durant une bonne minute mais l'effet lui passa très vite puisqu'un regard vers sa montre lui indiqua qu'il était en retard pour une course. Dix minutes plus tard, il se retrouvait dans une ruelle sombre, ses lunettes teintées sur le nez, un visage froid bien en place. "On avait dit quatre mille." Il n'avait pas besoin d'en faire des tonnes pour savoir qu'on essayait toujours d'entuber les Crimson Pistols de quelques centaines de dollars mais Tyrell était toujours consciencieux dans ses affaires. Et puis, il pouvait paraître menaçant, une main dans la poche de sa veste, sentant le métal froid de l'arme qu'il gardait toujours avec lui, au cas où. Le type dût le sentir puisqu'il retira quelques billets de sa poche pour les glisser dans la main libre du grand brun. "A dans trois jours." Aucune cérémonie, rien, parce qu'on ne pouvait pas faire preuve d'émotion dans ce milieu. On n'avait plus le droit d'être quelqu'un. On n'était plus rien et justement, Tyrell allait en faire l'expérience plus tôt que prévu.

Il respirait mieux, du moins, c'était ce q'u'il pensait, à l'instant où il venait fracasser de son poing la porte d'entrée. On ne voulait pas lui répondre, on voulait l'enchaîner à son désespoir, le laisser crever sur le paillasson comme une vulgaire termite sans nom, sans identité qui lui était propre. Pourtant, Tyrell insistait, posant même son front contre le bois dur et sec, un peu comme l'était Zola avec lui ces derniers temps, un peu comme l'était le monde depuis des années avec lui. La porte s'ouvrit et il la vit, valise en main, sourire évaporée, la détermination volant la moindre lumière habituellement ancrée dans ses pupilles. "T'as pas eu le mémo hier? C'est fini, nous deux, Ty'. Peut être même que ça n'avait jamais commencé alors..." Forcément, Tyrell lui bloqua le passage d'une main musclée. "Recommence pas avec tes conneries. Ton mémo hypocrite, j'm'en fous. J'veux les vraies raisons, pas les j'veux devenir mannequin et mon ambition peut pas m'permettre de rester avec un maçon de bas étage... Elles sont où tes putains de vraies raisons?" Ces raisons là, il les connaissait. Tyrell avait la réponse dans tous ces moments qu'il avait vus à la volée, tout ce mal qu'on lui faisait par procuration. C'était dans la manière dont Zola le quittait dès que la porte d'entrée des Addison s'ouvrait. C'était dans la façon dont son père la touchait quand elle passait à côté de lui et sa réaction aurait dû être un signe... Il aurait dû savoir, il aurait dû la sauver de tout cela parce que Tyrell s'était toujours mis des oeillères quand il s'agissait de son père et ses manies de traîner à côté des jolies jeunes femmes qui avaient la moitié de son âge. Il se rappelait de son amie Connie qui était partie en pleurant un soir, voyant son père sortir du bureau relativement mal habillé. Tyrell savait tout cela mais il ne voulait pas l'accepter... Non, pas son père. Pas un Addison. "Adieu, Ty'." Et elle vint lui baiser la joue avant de s'éclipser, laissant rouler une larme sur sa joue mate, une larme que Tyrell ne vit pas. Il ne vit plus rien après cela quand elle, oui, elle revoyait leurs moments perdus, tout ce qu'elle laissait derrière elle au nom d'un chantage qui la dépassait totalement. Oui, mais elle allait devenir une star, elle allait être riche et célèbre, elle allait sauver sa famille alors partie avec lui, c'était dans la logique des choses, non? Et effectivement, la voiture s'arrêta au moment où Tyrell se retournait pour la regarder partir. Il vit son père derrière le volant et il serra les poings. C'était la seule réponse qu'il avait pour cet enfoiré qui faisait de leur vie à tous un enfer et la haine l'habitait. La haine ne le quitterait plus jamais désormais.

Un jour, Roman avait annoncé que c'était fini, même pas avec des mots, même pas avec un silence sec, non, il s'était juste contenté d'envoyer un de ses sous fifres pour le mettre dehors. Son club était désormais trop huppé pour supporter la présence de Tyrell en son sein. Une bien belle connerie pour le principal intéressé mais il avait définitivement tiré un trait sur leur amitié, n'est-ce pas? Pourquoi alors osait-il encore cacher le médaillon sous son tee shirt alors qu'il courait vers l'entrée principal de cet endroit interdit pour lui? Il était énervé et une envie de meurtre menaçait de pointer le bout de son nez au moment où il entra pour découvrir un endroit de débauche comme jamais il n'en avait vu jusque là. Ce n'était pas les corps féminins à proprement parler qui attiraient son regard à ce moment là, non, il en cherchait un en particulier. On l'avait appelé pour venir sauver Taisha des griffes de la nuit... De celles de Roman, en somme. Il finit par la repérer à l'autre bout de la pièce et même s'il sentait que des regards se posaient sur lui, Tyrell n'y fit pas attention une seule seconde. "Dégage. Tiens, v'là deux dollars, va t'acheter des sucettes, connard." Forcément, Addison n'avait pas la patience pour être courtois. L'homme le regarda, prêt à lui en coller une en représailles mais Tyrell ne lui laissa pas le temps de faire grand chose puisqu'il attrapa Taisha par le poignet pour l'entraîner loin de cette foule pervertie. Bien vite, elle chercha à se défendre mais il était trop fort pour elle. Un vigile de Hayes se ramena, tentant de l'attraper par le col pour lui refaire le portrait mais l'instinct de Tyrell fut gagnant. Ce fut lui qui arma son poing pour le faire taire. Après cela, ce dut une véritable débandade mais Tyrell n'y prit pas garde, bien trop occupé à sortir Taisha d'ici. La jeune femme arrêta de se débattre au moment où il lui fit passer la porte du salon des Addison. "Tu vas rester ici. Plus jamais tu vas traîner chez ces enflures là..." Ce n'était même pas un ordre, mais une supplication puisque Taisha, c'était tout ce qui lui restait de Zola, c'était juste ce qui lui restait de sa vie d'avant, de cet espoir qu'il avait de vivre heureux dans une ville qu'il pouvait aimer. Il n'y avait plus rien de tout cela mais il y avait encore le regard déterminé de la brune, ses cheveux en bataille qui bougeaient quand elle tremblait de froid. Instinctivement, Tyrell l'entraîna dans sa chambre et l'invita à se poser sous les couvertures. "J'voudrais te détester Ty', comme Zola... Mais tu le mérites pas. Je crois que la vérité fait mal mais... Y a plus que toi et moi, maintenant." Et elle avait raison. Ses yeux bruns se fermaient et Tyrell baissait la tête parce qu'elle avait raison. Plus rien n'avait de sens, plus rien n'était comme avant et ils étaient plus seuls que jamais. Addison posa une main sur le métal dur de son flingue et il savait déjà qu'il n'y avait plus que cela qui comptait: cette violence urbaine, cette haine d'autrui... Ces souvenirs heureux, cette jolie brune endormie et ce futur qui n'annonçait rien de glorieux.