help me, i'm drowning | tommy

Y a les larmes qui brillent dans ton regard quand il se pose sur cette photo que t’as pas été capable de jeter. Pourtant ça serait plus simple, si t’arrivais à tirer un trait sur ton passé. Sur lui. Aller de l’avant, tu sais pas comment on peut le faire. Parce que t’en es incapable. Y a toujours cet anneau qui entoure ton doigt, même si ça va faire un an qu’on te l’a arraché. Y a toujours les larmes qui tracent des sillons salés sur ton visage lorsque tu te réveilles et que ton regard tombe sur un oreiller vide, comme pour te rappeler matin après matin qu’il n’était plus là. Mais tu les écrases tes larmes lorsque tu te lèves. Tu veux pas renvoyer l’image de ce qu’ils ont fait de toi. Tout Night-Vale devait penser que tu étais forte. Tu voulais pas que les Montaigu croient un seul instant qu’ils t’avaient détruit. Alors tous les jours, tu portais un masque quand tu traversais la ville, un masque qu’il était pourtant si facile d’ébrécher. Parce qu’on pouvait lire toute ta détresse si on croisait ton regard un peu trop longtemps, parce qu’on pouvait voir ton sourire qui s’effaçait lorsque tu n’avais pas l’impression qu’on t’observait. Mais ici, dans ta maison, tu t’en moquais bien de l’image que tu pouvais leur renvoyer. Parce qu’ils étaient ta famille, ta bouée de sauvetage alors que tu te noyais un peu plus profondément chaque jour.

Tu ne petit-déjeunes pas, y a la peine qui te coupe l’appétit, comme tous les jours. Aujourd’hui, y a la colère qui gronde en écho à ta douleur. T’as la rage au ventre quand tu penses qu’ils sont heureux dans leur misérable sud alors que toi, t’as plus rien ici parce qu’ils te l’ont arraché. Tes doigts se refermes sur l’arme que tu gardes dans ta table de nuit. Les balles roulent entre tes doigts comme peuvent le faire les pastilles abeilles. Mais celles-ci, tu les avales pas, tu les glisses dans ta poche une fois que t’as fini de charger le revolver. Et tu traverses votre villa. Elle est vide ce matin. Parce qu’ils sont tous partis travailler tandis que t’avais pas cours avant le début d’après-midi. Tu te retrouves seule dans cette salle, comme c'est le cas bien trop souvent désormais. Ton doigt appuie sur la gâchette et voilà une première balle qui vient se ficher avec fracas dans une cible de l’autre côté. Puis une seconde, puis une troisième. T’as fait d’énormes progrès depuis ce fameux jour où l’on t’avait arraché ton innocence et ton pacifisme. Bientôt, leur heure viendrait et ils comprendraient ce que cela faisait de perdre ce qu’on a de plus cher au monde.

it was your heart on the line

it was not you fault but mine

Les balles se fichent dans la cible, comme c’est le cas depuis plusieurs semaines désormais. Ces cibles c’est les têtes des Montaigu, ou bien leur cœur, tu sais pas encore. Mais ce que tu sais, c’est que tout ce qu’ils t’ont fait, ça restera pas impuni. Tu veux les voir souffrir comme tu souffres et t’es prête à tout pour ça. Comme si les savoir pleurant leurs proches allait te permettre de guérir. Tu te rends pas compte du chemin que t’es en train d’emprunter, tu te rends pas compte que t’en es peut-être même pas capable, toi, la gosse qu’avait jamais tenu un flingue avant l’année dernière. Mais tu sais que tu veux qu’ils payent. Et tu t’es pas rendu non plus compte de la présence d’un observateur dans la pièce alors que t’avais les yeux rivés sur ta cible. « Pas mal. » Tu sursautes quand la voix de ton frère vient briser le silence. Tommy, tu voulais pas qu’il sache. Parce que tu voulais pas lire dans son regard ce que tu es en train d’y lire alors que tu te retournes vers lui. Tu peux le sentir cette façon qu’il a de désapprouver. Mais il ne peut pas comprendre, pas vraiment. Lui qu’est-ce qu’il en savait de l’amour et de la perte ? Pourtant, quand tu croises son regard tu ne peux pas t’empêcher de baisser les yeux. Parce que tu veux pas le voir ce mécontentement qui te donne l’impression de te brûler. « T'as appris toute seule ? » Tu poses le revolver que tu tenais à la main. C’est étrange que tu n’aimes pas montrer cette facette de toi à celui qui devait pourtant le mieux te connaitre de toute ta famille. T’acquiesces. « Oui. » C’est qu’un murmure. C’était ton secret ces balles que t’envoyais dans les cibles. Des mois à t’entrainer sans rien leur dire, quand tu savais la maison vide comme elle aurait dû l’être ce matin-là. Des mois avant d’arriver à quelque chose de potable. Des mois de silence pour ne pas qu’ils sachent. Parce que dans le fond, tu le savais que c’était pas vraiment toi. Tu le savais aussi qu’ils ne voulaient pas de ça pour toi. Parce qu’ils avaient compris et jamais ils n’avaient parlé de gangs avec toi une fois que tu leurs avais fait comprendre que tout ça, c’était pas pour toi. Alors t’avais honte, honte de voir ce que la douleur avait pu faire de toi. Tu t’étais muré dans le silence, t’avais caché cette partie de ton existence, pour ne pas changer officiellement. Mais cette Diana-là, celle qui ne voulait pas de guerre, de gangs et de sang, elle était morte avec lui ce jour-là. « T’es déçu ? » T’as peur de la réponse qu’il va te faire. Parce que tu supporterais pas de le décevoir, de le perdre alors qu’il est tout ce qu’il te reste, cette personne à laquelle tu t’accroches un peu trop quand tu t'éloignes des autres pour pas qu'on te brise une nouvelle fois. T’as peur de le perdre comme tous les autres, mais c’était différent, parce que lui, il avait toujours été là, il avait toujours fait partie de ton monde et y aurait rien pour changer ça.