le théâtre abandonné.
quel meilleur lieu pour converser que ce lieu légendaire du passé où se sont amoncelé légendes et héros blessés ? car après tout, c’est la seule chose qu’il veut faire : discuter. tensions qui ont commencé à animer sa relation avec tristram, jeune recrue impossible à canaliser. léon maniaque du contrôle qui refuse de se laisser dominer, le besoin irrépressible de tout connaître, de tout avoir enfermé dans sa poigne gantée. la peur panique de manquer d’opportunités pour s’enfuir et les laisser purger une peine dont il aurait dû écoper, la ruse (le renard comme animal totem) comme seule alliée.
tristram est incontrôlable. tristram est couard. tristram ne sait pas se battre et c’est quelque chose que léon ne peut pas tolérer. parce qu’il y aura inévitablement un moment où les choses vont finir par déraper malgré l’assurance et le charisme de jean, malgré sa combativité, malgré ses opales qui ont déjà tout vu, tout défié. malgré sa connaissance aiguë des lieux et du sujet, le hasard est toujours présent et prêt à tout chambouler.
léon agit ainsi avec ses coéquipiers, plus poulains qu’amis ou égaux. le fait que tristram risque de perdre la peau qui recouvre ses maigres os à chaque opération lui fait crisser les dents, serrer les mâchoires. malgré tout ce qu’il pourra dire, le blues apprécie et estime chaque personne qui fait partie de son groupe de privilégiés.
lové dans une chaise plastifiée et légèrement défoncée par les années à attendre un délicat fessier, il attrape son téléphone et envoie un message à son sous-fifre.
« amène-toi au sud. théâtre abandonné. prends une trousse de premiers secours. »
message énigmatique qui pousse ses zygomatiques à souffrir le martyr alors qu’un sourire léger étire ses lèvres gercées. la question qui demeure c’est : est-ce que tristram aura assez de courage pour venir l’affronter ? même si les informations manquantes sont légions, il doit se douter du caractère de leur rencontre. après tout, léon ne cesse de lui reparler de ses gestes maladroits et de sa tendance à se planquer. après l’avoir rabâché encore et encore, il est grand temps d’y faire face et d’affronter la réalité.
et aujourd’hui, la réalité pour tristram, c’est léon.
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