thalia ★ lethal lust

I. RELEASE. La môme assise dans un coin, la machoire crispée, les genoux ramenés contre son corps trop frêle mais qui ne loupe pourtant pas une miette du spectacle abjecte qui a lieu sous ses yeux. Il est encore saoul Eddy. Le nouveau mec de sa mère. Ou l’ancien. Celui qui est revenu, Thalia, elle comprend pas tout encore. C’est pas toujours simple du haut de ses dix ans de piger pourquoi sa mère se fait frapper, soir après soir. Ce qu’elle comprend la gosse, de son coin du mur, c’est que ça fait trop longteps que ça dure. C’est que les hématomes, ils mettent plus en plus de temps à partir. Elle y connait peut-être pas grand-chose, mais c’est pas ça l’amour. Même entre les grandes personnes. Ce qu’elle comprend, c’est qu’il pue l’alcool dès qu’il ouvre la porte. Et ce soir n’échappe pas à la règle. Elle les a d’ici les relents de son poison. Ca lui donne la nausée. Et y’a les sanglots de sa mère qui s’arrête pas. Ca aussi ça la rend dingue. Dix ans et déjà fatiguée d’entendre ses jérémiades. Dix ans et sans savoir réellement ce que ça signifie, mais qui, au fond, sait déjà qu’elle suivra un chemin différent de celui de sa mère. Le coup qui part. Sa mère déjà à genoux qui se retrouve plaquée au sol. Thalia qui se lève sans réellement savoir comment ou pourquoi. La paralysie, la peur évanouies, elle se lève, se dirige vers sa mère. Mais c’est elle qui se prend la suivante. Elle qui finit la joue en feu, les genoux à terre. Dix ans et pas une larme. Dix ans et une force que sa mère n’aura jamais.

Tout le monde couché, tout le monde endormi, dans les bras de Morphée. Tout le monde sauf Thalia. La gosse fixe le plafond. Elle fixe le plafond décrépit de sa petit chambre, les murs qui l'étouffent, en serrant le couteau dans sa main. La décision, elle est déjà prise. Fallait juste qu'elle trouve le courage de se lancer. Elle est déjà hors du lit, le pas léger, discret, feutré, pour aller jusqu'à la chambre de sa mère. leur chambre. La porte qui s'ouvre sans un bruit, et la gamine qui continue son chemin, sans sourciller. C'est rapide. Presque trop. le geste assuré, la détermination qui brille dans les pupilles d'une enfant innocente. Peut-être plus tant que ça. Y'a rien qui s'est brisé chez Thalia ce jour là, quand la lame a glissé sur l'épiderme de ce sale con. Y'a rien qui s'est détruit. Elle a juste soupiré, soulagée, devant les étouffements de ce mec, et le regard horrifié de sa mère. Pourtant, Thalia a cru y voir un remerciement silencieux au fond de ses yeux. Un regard un peu désolé que ça soit elle qui ai eu à le faire. Désolée de pas avoir été à la hauteur. Désolée mais reconnaissante. Le choc passé, c'est le numéro de l'ange gardien que sa mère a composé. Le même geste, les mêmes chiffres, inlassablement. Toujours là pour l'aider, l'épauler, nettoyer.

II. VALKYRIE.  Des années passées aux côtés des Argentis. Des années passées à l’ombre de son parrain. Des années que ça lui a pris d’apprivoiser une gamine trop farouche. Des années qu’il l’a façonné comme il le souhaitait. Parce qu’elle avait le potentiel, parce qu’elle en voulait. Parce que même gosse, thalia a jamais voulu se contenter de faire la plante verte. Elle veut pouvoir se démerder, jouir d’une indépendance certaine, pas avoir besoin d’un mec pour s’occuper d’elle, pour la défendre dans cette jungle qu’est Night Vale. Il prend son bras, le place plus haut. « bloque thalia. Bloque et frappe. » le couteau dans l’autre main, la gosse baisse la tête avant de frapper comme il le veut, en retenant son coup au dernier moment pour ne pas l’égratigner. Il a un sourire fier sur les lèvres, et il se remet en position. « Allez, continue. » Aujourd’hui c’est ça, demain ça sera une nouvelle arme à feu entre les mains. Tout pour la former, tout pour la préparer.

III. I PUT A SPELL ON YOU.  Les lumières tamisées, la barre en métal et sa main qui tourne autour. Le même rituel. Un tour de piste, ou ce qui y ressemble. Elle est en sous-vêtements, jeu de lacets et de transparence pour attirer l’œil, attiser le désir lorsqu’elle se hisse sur la barre. Le corps qui se tend, qui se contracte, tournoie alors qu’elle aperçoit Blaze à l’entrée. Léger sourire sur le coin des lèvres de la danseuse alors qu’elle l’imagine doucement bouillir à la voir se trémousser un soir de plus, pour le plus grand plaisir des pervers de cette ville aride. Mais il est adorable avec cet agacement sur le visage, et elle compte pas s’arrêter. Une version largement remixée de Toxic. Plus lente, plus lascive. Une version qui tient en haleine qui hypnotise. Et ils se retrouvent tous là, les yeux rivés sur les jambes interminables de Thalia, sur ses courbes désirables, à presque en oublier de respirer. Son regard à elle dérive, se perd. Elle s’oublie un instant pour se laisser aller à la musique. Complètement. Elle oublie la poussière oppressante qu’elle a pourtant toujours connu, elle oublie l’imperfection de sa vie et les pièces manquantes de son être. Les notes de musique lancinantes qui la perdent un peu plus pour finalement la faire revenir sur terre. Les pieds qui touchent le sol, le bassin qui ondule et le regard qui se fixe sur une nouvelle silhouette. Il est là. Encore. A observer, se délecter. Attendre.

IV. UNDER THE STARS. Toujours les mêmes insomnies. Des angoisses pas franchement identifiables mais bien présentes, oppressantes. Alors elle est là, moite malgré la fraicheur de la nuit, sur le toit de ce batiment, debout sur le rebord, à observer ce qu’il se passe ici bas. Les mêmes conneries. Le bordel habituel. Les cons qui se tapent sur la gueule. Les Crimson et leur blouson de cuir, rose et serpent entremêlés qui font face à l’arrogance des sbires du Nord. Ca a pas l’air bien sérieux. Pas plus que d’habitude. Et ils ont surtout l’air bien éméché, à essayer de trouver une raison pour se foutre sur la gueule.
Elle bouge pas sur rebord, les pieds à 3 centimètres à peine du vide, à se fondre dans la nuit noir de night vale. Y’a que les lampadaires qui illuminent faiblement la rue, en bas. A peine. Ca rendrait la scène presque glauque. « Descend de là putain. » Pas de sursaut, ça aurait été dangereux, elle se retourne doucement, sachant pertinemment à qui appartient cette voix. « Viens me chercher. » un sourire à peine perceptible sur le coin des lèvres alors qu’elle tend la main vers lui. « T’as peur ? » Elle recule légèrement, se retrouvant un peu plus près du bord, les bras écartés. Elle lui demande pas comment il a su qu’elle était là. Soit une habitude, la sienne, de toujours trainer sur les toits, d’être toujours dehors à cause de ses insomnies lorsqu’elle ne bosse pas. Ou soit parce qu’il l’a aperçu. De loin. Elle descend, s’approche, presque collée à lui. Le visage légèrement penchée, elle frôle ses lèvres avant de déposer un baiser sur sa joue et glisser sa main dans la sienne pour l’amener avec elle jusqu’au bord du toit. Vio. Son Vio. Peut-être pas son œuvre, parce qu’il a sans doute toujours été comme il est, parce que c’est son histoire et ses blessures qui l’ont forgé. Mais son dévouement aux Silver Chapel, ce qu’il est actuellement, elle aime penser qu’elle y est quand même pour quelque chose, qu’elle a fait pencher la balance, d’une manière ou d’une autre. « Regarde les. Complètement cons à se trouver une raison de se taper dessus, alors qu’on pourrait les descendre un par un, d’ici, sans qu’ils ne sachent ce qu’il se passe. »