she went quietly (alma)

le bruit des balles qui éclatent contre les murs, qui s’étirent dans leur chute pour retomber lourdement sur le goudron.
l’hémoglobine qui tâche toutes ses fringues, elle forme un trou béant sur son tee-shirt, le blouson pourra pas le cacher, cette fois.
« putain », qu’il crache entre deux râles.
les regrets au bord des lèvres comme des lames aiguisées il peine à contrôler.
rafael, le gamin du désert, perdu entre des échanges de balles, il n’a plus que des étoiles dans ses grands yeux bruns.
il ne pourra pas aller s’enfermer dans le bar et tout oublier jusqu’au lendemain matin.
des heures à tenir avant que le soleil se lève sur ses échecs, assis dans la poussière il a des rêves à réaliser avant de s’endormir à nouveau.
les coups partent, encore et encore.
putain d’ritournelle qui ne l’abandonnera pas. almonte se vide de son sang sur le sol, amoché par des blessures qui lui étaient pas destinées.
l’enfer n’a jamais été en dessous d’eux. depuis le départ, il était là.
dans la ville, à chaque coin de rue.
il jette un regard aux étoiles. un nouveau défi qu’elles ne pourront pas relever.
et soudain, une silhouette de poupée dans le brasier de son existence.
alma, sur ses lèvres, alma qui se mélange à l’obscurité des nébuleuses.
« ça serait poétique, non ? si tu me laissais crever là. »

adossée à un mur, t'attends. t'as les yeux endormis. t'en es pas à ta première fusillade et c'est pas non plus ton premier règlement de compte. tu vis pas la routine, tu la subis, et t'es dans un tel état d'agonie que tu pourrais pas le décrire. tu l'avoueras jamais mais t'as arrêté de chercher une porte de sortie, t’espère même plus. t'attends rien de la vie, elle t'a pris tout ce que t'avais à donner et t'as mal même quand tu rêves. surtout quand tu rêves.

tu sursautes pas au premier coup de feu. ni au deuxième. t'as plus peur des balles et t'as jamais eu peur de la mort. la rêveuse anesthésiée que t'es laisse les minutes passer en silence. t'as peur de rien, mais t'as pas envie d'être un dommage collatéral. quand tu mourras, le monde entier s'en souviendra. c'est la seule promesse que tu tiendras.  

un putain lâché dans une voix rocailleuse attire ton regard. c'est pas la première fois que tu vois rafael, mais t'aurais aimé que ça soit la dernière. tu t'en souviens encore, de ses poings contre ton squelette, des supplications qu'il feignait de ne pas entendre. ils étaient pas au dessus de la morale, les crimson. alors, quand les capulet t'ont tendu la main, t'as pas réfléchi. t'aurais dû. maintenant tu sais que t'aurais dû. « ça serait poétique, non ? si tu me laissais crever là. » tu lèves les yeux au ciel pour cacher le sourire qui se forme au coin de tes lèvres. voilà qui est distrayant.  « poétique, non. »  les bras croisé, tu le toises d'un air hautain. « ironique, juste et mérité, peut-être. » la logique voudrait que tu le laisses crever. et peut-être même que ça serait poétique, comme il le dit. mais t'es pas du genre à suivre la logique toi, t'emmerdes le destin. tu l'aides à se relever, péniblement. « bouge. » puis tu l'aides à marcher. t'écoutes pas les protestations, tu cherches juste de quoi occuper tes pensées, de quoi chasser tes cauchemars. « t'aimes un peu trop les fajitas toi, non ? » il fait deux fois ton poids, facile, mais tu te démontes pas. et quand tu passes par la porte de service de ta prison dorée, t'as le coeur qui bat, fort, pour la première fois. ramener un crimson à l'hotel des capulet, ça t'arrache un sourire. par prudence, tu lui glisses un « fais pas de bruit. » jusqu'à ce que vous arriviez à ta porte. la chambre est grande et luxueuse, mais chaque centimètre carré te dégoute. assis sur ton lit, tu lui retires son t shirt. « t'emballes pas. »

les coups, comme une dague dans son cœur.
ses yeux qui brillent comme des émeraudes dans les ténèbres.
« poétique, non. ironique, juste et mérité, peut-être. »
un rire qui se termine en râle, almonte mérite chaque pic de douleur.
il n’arrive pas à oublier son corps réduit comme une poupée de chiffon,
ses lèvres gercées, ses bleus violacés.
son visage tordu par une expression indescriptible. il l’a brisé en éclatant ses poings sur sa peau, en retenant pas sa force, en devenant le juge et le bourreau.
almonte, il s’est condamné dès que sa main s’est fracassée contre sa joue.
la honte se répand dans tout son corps à chaque fois qu’il respire, putain de brasier incontrôlable.
il pourrait remplir des océans avec les promesses qu’il a pas tenu.
à chaque fois qu’il a baissé ses iris vers le sol.
la honte, toujours, qui le dégomme à chaque pas. le voyageur était resté là-bas, au-delà de la frontière. le gamin qui croyait aux prières et aux héros.
il a failli se retenir.
failli la sauver.
failli réécrire leur histoire avant son commencement.
failli.
« bouge. » un soupir, ses bras fragiles qui supporte son poids. « t'aimes un peu trop les fajitas toi, non ? » pas de seconde entre la gueule tordue par la douleur et l’air violemment offusqué.
« no entiendes nada, puta de mierda. malparida. » des insultes braillées en mexicain, et l’hémoglobine sur sa mâchoire.
il a le cœur d’un vendeur de rêves qui s’est perdu dans ses propres cauchemars, et il se retrouve dans l’hôtel capulet. l’ironie lui décroche même pas un sourire.
déposé sur le lit, elle vire son tee-shirt souillé. ses paupières se ferment.
« t'emballes pas. » il secoue la tête. almonte n’a pas la défaite facile. night vale illuminée par la lune, l’écho des balles qui résonne encore dans ses tripe ; alma elle ne devrait pas le sauver.
alma elle appartient aux étoiles, aux galaxies qu’il ne comprendra jamais.
« j’peux m’contrôler. et toi ? » la fierté accrochée à son cou comme une chaîne en fer. dans le désert, ils sont personne. des fantômes qu’on oubliera un jour, des noms qui ne méritent pas d’apparaître sur les pancartes de la ville.
rafael, il prie en silence pour que ses doigts quittent jamais sa peau.
« c’était con, de faire ça. à moins que t’aimes te faire cogner. dans ce cas t’es encore plus tordue que ce que j’pensais. »