EIRA ℂ Take a shot in the face of fear.

DEVILISH BROTHERS Haaken. Frère, jumeau. L'absence des liens tissés dans le carmin qui pourrit dans les veines, et pourtant leur évidence même qui demeure, inébranlable, indiscutable, increvable. L'amitié nouée sur le grain de suie du bitume, dès les plus jeunes années. Des louveteaux qui s'amusaient à mordre et se chercher aux jeunes loups en quête d'une meute et de leur identité. Jusqu'aux bêtes à la gueule dégoulinant de sang qu'ils sont devenus, les rires pour accompagner la danse des poings, les regards complices pour sacraliser leurs accomplissements souillés par l'illégalité. Jamais que l'autre pour seul compagnon de vie. Les phalanges enduites de cris et de douleur qui s'épousent dans les fracas d'écarlate ; leurs deux âmes nécrosées par la violence qu'ils aiment et partagent, qui consume leur sang, si étroitement enlacées l'une à l'autre, cousues ensemble des liens rougeâtres de l'indéfectible loyauté, l'éternelle abnégation.
Haaken, ce n'est pas juste qu'une part de son âme égarée en un autre être. C'est la seule personne qui compte vraiment -qui signifie quelque chose. Il n'y a juste pas de mots pour décrire l'intensité de ce qui les lie, à quel point leurs existences sont entremêlées l'une à l'autre.

SONS OF ANARCHY Peau de cuir sur le dos, comme un bouclier, une extension de lui-même. Jamais un seul faux pas esquissés dans le code du motard -les seules règles qu'il respecte véritablement, qu'il vente, pleuve, neige, que le ciel soit ensoleillé et assassine le sol de ses rayons et de sa chaleur écrasante comme cela arrive si souvent dans cette ville perdue. Et sa belle bécane qui l'accompagne partout, une pièce de collection magnifique et gourmande en pétrole transformé, qu'il bichonne dès qu'il a un instant de libre. Ses rouages qu'il aime de ses mains caleuses, ses entrailles mécaniques dont il a très jeune appris à prendre soin. Ses rugissements de mort qu'il laisse résonner dans les rues à l'asphalte familier de la caresse de ses roues, contre les murs qui ne connaissent que trop bien son ombre, qui ricochent dans le silence du désert au sein duquel il se perd parfois pour savourer chaque flagrance du parfum de liberté que cela instille dans ses veines, dans sa poitrine.

LA MECANIQUE DU COEUR Eira, il a pas appris à faire énormément de choses de ses dix doigts dès qu'il ne s'agit plus de compter les billets, fracasser des mâchoires, charmer les demoiselles pour les engager au Bacchanale et s'adonner aux activités florissantes et très peu légales dans lesquelles il a baigné très tôt -trop tôt diraient certains. Cancre sur les bancs de l'école mais pourtant pas bête ou dépourvu de l'envie d'apprendre et de comprendre le monde qui l'entoure, il n'a pu prétendre à l'université (pour y faire quoi de toute façon ?), a un peu tout appris de la vie sur le tas, débrouillard, autodidacte pour certaines choses, quitte à se casser la gueule et se prendre de belles pelles qui l'ont forgé, l'ont endurci. Mais s'il y avait bien quelqu'un qu'il écoutait durant ses années de rébellion et d'affranchissement de la vague autorité parentale, c'était le mécano qui tenait le garage quelques blocs plus loin. Ça payait pas de mine, mais les doigts du vieux avaient l'habilité de ceux du chirurgien une fois plongés dans les entrailles des voitures ou des bolides à deux roues -et Eira a énormément appris à ses côtés, il y a même pris plaisir. Il lui doit la solidité de ses bases en mécanique, les petites astuces pour venir à bout de certaines pièces récalcitrantes ou problèmes récurrents. Alors quand l'autre a succombé au cancer qui lui rongeait les poumons, Eira a racheté l'affaire, et il tient ce petit commerce à flots. Il choisit lui-même ses mécanicien(ne)s même s'il leur laisse une grande autonomie -et c'est bien le seul endroit où la seule chose sale est l'argent qui sommeille dans ses poches.

OUR HELL ON EARTH Le Bacchanale. Les apparences trompeuses, vicieuses, aussi sulfureuses que luxurieuses ; l'établissement qui se présente comme un cabaret mais regorge de bien plus de facettes. Atmosphère intime et doucereuse, propice à la tentation et aux pires vices du corps, alors que les belles se déhanchent pour le plaisir des prunelles qui les écorchent et les esquintent de désirs tout juste tus. Né des entrelacs de leurs esprits obscurs, des ténèbres qui leur rongent l'âme à l'acide, l'endroit se veut aux visages toujours différents et à la constance pourtant rassurante. Les entrailles de leur Enfer construit à deux, qu'ils gèrent ensemble, sur un même pied d'égalité, comme il en a toujours été question entre eux (l'évidence même, jamais remise en question, jamais écorchée par les doutes ou la jalousie). Territoire de débauche pour certains, qui caressent de billets les peaux des demoiselles s'offrant à l'abris des chambres ; théâtre de toutes sortes de deals réalisés en tout impunité, dans le secret de l'illégalité, pour d'autres qui viennent y mener leurs affaires -dont les Crimson Pistols, leur place à jamais privilégiée au sein de ces murs bâtis par deux des leur.
Cet endroit, Eira y tient -il est pas matérialiste, mais avec sa moto, le Bacchanale, c'est un peu comme l'exception qui confirme la règle. Il aime le souffre qui se faufile dans l'air trop chaud caressant les délicieuses courbes des danseuses inatteignables du haut de leur scène, maîtresses de tous les regards, catalyseurs des envies qui bouillonnent sous la peau des êtres venus de perdre là. Il aime les notes abimées des soupirs et des plaintes de plaisir monnayé qui résonnent à travers les murs, s'échappent dans l'embrasure des portes qui constituent l'arrière de la scène, les boyaux de cette place aux mille facettes. Il aime l'odeur de la verdure froissée entre les mains qui se lient ou se délient, cette flagrance de danger qui entoure ceux venus là pour affaire et non pour se distraire (même s'ils finissent bien souvent par s'y laisser aller). Il aime cette sensation étouffante qui règne dans la lumière tamisée, les nuances de rouge qui jouent sur les peaux dénudées, qui révèlent l'étincelle d'un désir, la brûlure d'une envie viscéralement charnelle dans les regards qui osent trop ou encore pas assez. Mais c'est aussi parce qu'il le partage avec Haaken que le Bacchanale compte tant. Reflet de leurs idées mêlées, dirigées dans la même direction. L'envie commune d'en faire un endroit des plaisirs, au sein duquel ils se sentiraient bien et chez aux aussi, où ils pourraient d'adonner à ce qu'ils font de mieux sans craindre plus rien ni personne (pas que ça leur arrivait avant -c'est juste plus sécurisé comme ça). Un lieu à leur image.

JE TE FERAI LES YEUX DOUX AVEC DU PAPIER DE VERRE Sa tentation, sa voie de perdition. Les autres contre lesquels il s'oublie. Les coeurs à vif contre lesquels il esquinte le sien depuis longtemps cadavre abandonné du moindre souffle de vie (sauf peut-être dans les prunelles de l'autre qui compte trop, qui a toujours trop compté). Eira, il aime les âmes et les corps -mais jamais bien longtemps. Il demeure sourd, en égoïste, en indifférent, aux fracas lointains des palpitants qu'il finit toujours par bousiller lorsque l'autre fait l'erreur de s'attacher. Pourtant, il ne s'agit pas d'un jeu ; il demeure d'ailleurs clair dès le début. Non, ce qu'Eira aime, ce sont les râles de plaisir qui prennent naissance sous les attentions de ses doigts et de sa langue. Les phalanges qui s'enfoncent dans ses muscles jusqu'à les marquer d'ecchymoses éphémères dans une tentative vaine d'échapper encore un peu à la jouissance, de lui résister un peu plus longtemps. Ce partage de souffle et de sueur qui vient tatouer l'épiderme dans la plus délicieuse des étreintes. L'apaisement, la sensation de paix qui le prend au corps après l'extase, l'épuisement langoureux qui possède sensuellement, peu à peu ses muscles, qui se reflète dans les iris de l'autre. Cette guerre d'un autre genre, cette violence d'une autre sorte qui lui fait du bien. Il cherche pas les sentiments. Il cherche pas la complicité ou l'affection dans les prunelles qui le prennent tout entier. Il en a pas besoin. Ce qu'il désire, c'est le jeu de la séduction, la brûlure de l'envie qui met l'esprit à genoux. C'est la résistance jusqu'à se briser, céder, rendre les armes. C'est le plaisir partagé. C'est tout ressentir à la fois, jusqu'à devenir l'autre, l'espace de quelques courtes secondes. C'est embrasser la vie, tout sumplement.

THE KIND OF SMILE THAT WOULD BE CRUEL NOT TO KISS Les hommes. Parce qu'il leur revient toujours, Eira. Parce qu'il a cessé de se chercher pour finalement s'accepter et savourer. Parce qu'il aime leur violence ou leur tendresse ; parce qu'il se complaît dans leur brutalité ou leur sensualité. Parce que certains ont beau affirmer qu'il faut que des sentiments soient impliqués pour qu'il soit question de faire l'amour, Eira demeure intimement persuadé de cela arrive parfois, dans l'étreinte cachée de ses draps, quand il se noie dans un regard qui le fait vriller tout entier, quand il s'immerge dans les notes plus ou moins graves de ces voix qui s'éraillent contre sa peau usée, quand il éprouve chaque cicatrice esquissée par l'existence sur ces corps indéniablement masculins (enfin, il lui est arrivé de partager son lit avec des personnes transgenres, et il commence à se dire qu'il s'agit bien plus d'un ressenti intrinsèque qu'il recherche plus ou moins consciemment dans ces étreintes que la quête d'un sexe en particulier).

" I CAN'T FIGURE YOU OUT. - WOULD YOU LIKE TO ? " Un mystère. C'est ce qu'Eira demeure dans l'esprit et aux yeux de la plupart des gens. Quelque chose qu'il ne cultive pas particulièrement, il s'en fiche un peu à vrai dire, ça le chagrine pas que personne le connaisse véritablement (enfin, personne, façon de parler). Entre paradoxes et contradictions, délicats cocktails explosifs de réflexions et de violence, de calme et d'impulsivité, certains le remarquent à peine dans l'ombre du Montaigu, les plus malins auront compris qu'ils oeuvrent de concert et que les apparences sont constructions tissées d'illusions -l'aura de danger fait frémir les peaux, détourner les yeux parfois, irrésistible et écrasante, angoissante et intriguante. Derrière les paroles taquines et les rires qui se moquent de tout, la noirceur règne, pourrit l'âme jusqu'à la moelle. Derrière la figure familière qui rode entre les murs du Bacchanale se dissimule la gueule béante d'une bête assoiffée, aux crocs pleurant des larmes de carmin.
La vérité, c'était qu'il vaut sûrement mieux ne pas savoir. Que ceux qui s'y sont risqués l'ont très certainement regretté.

MY HEAD IS A STORM AND MY CHEST IS EMPTY Eira ne savait pas tellement comment cela s'était fait, comment s'était arrivé. Cela s'était passé dans les coulisses de son esprit (et de son coeur, aussi, surement trop d'ailleurs), à son insu, des liens qui s'esquissent dans l'obscurité, doucement, si lentement qu'il n'avait pas vraiment compris avant de se retrouver en quelques sortes devant le fait accompli. Avant que ce qu'il ressentait ne lui explose au visage, à présent impossible à ignorer et à nier alors qu'il avait relégué tous les timides signes avant-coureurs à de simples ressentis sans importance, auxquels il ne fallait donner aucun poids. A chaque fois que le regard de l'autre s'attardait un instant de trop dans le sien. A chaque fois que l'autre esquissait un geste en sa direction, le touchait, ou réagissait d'un rapprochement ou d'une accolade (et putain, Eira connaissait-il seulement quelqu'un de plus tactile ?). A chaque fois qu'il laissait ses prunelles traîner un peu trop sur la peau abîmée, la courbure d'une nuque, les phalanges déchirées qui pleuraient du sang, les traits marqués et diablement séduisants qui se tordaient dans un rire ou se bouleversaient dans la douleur et le plaisir. A chaque fois qu'il éprouvait cette présence aux frontières de la sienne, qui n'avait jamais quitté son côté.
Dangereux désir, attirance interdite pour celui dont les pas ont toujours frappé le sol de leur existence au même rythme que les siens. Les ambiguïtés qui s'insinuaient dans leurs rapports pour y tisser une tension qui appelaient les corps à se trouver et s'étreindre autrement que dans la violence de leurs méfaits. Qui ne les ont jamais véritablement quittés, se sont juste faites plus subtiles et vicieuses, alors qu'Eira encaissait la frustration de ne pouvoir céder (comment aurait-il pu se pardonner si cela égratignait ce qui les liait si férocement, si viscéralement l'un à l'autre ? C'était une chose de désirer Haaken -c'en était une autre d'y succomber) et la crainte de tout foutre en l'air.
Cette douleur interne qu'il cultive depuis si longtemps, des pensées imprégnées d'une attirance construite dans le temps, au fil du regard de l'autre, qui ne l'ont jamais abandonné.