la colombe poignardée. (silas)

Une nouvelle nuit, sous les néons. Une nouvelle nuit où cours de laquelle tu traînes ta carcasse dans les rues, vêtue d'une robe en soie blanche. Le commun des mortels aurait peur, de se balader ainsi, dans la pénombre, alors que les balles peuvent fuser à chaque instant. Mais toi, tu t'estimes au dessus du commun des mortels, de ces gueux qui redoutent la mort. Tu es au dessus d'elle. Rien ne peut t'atteindre, surtout ici, sur tes terres. A chaque instant, quand tes pas touchent le sol, que tes talons claquent contre le bitume, tu te sens reine, maîtresse de ces lieux, auréolée de gloire. Gloire des Capulet.

Ce soir, comme souvent, tu as filé, en douce, hors de la villa. Au vu de ton jeune âge et de ton "innocence" à préserver, tu n'es pas autorisée à sortir aussi tard. Tes parents tiennent à ce que tu leur fasses honneur, que tu te tiennes bien, que tu te comportes comme une gentille fille. Une expression qui te dégoûte. Qui t'écoeure. Tu détestes ces rôles, ces stéréotypes délétères. Tu ne veux pas te conformer, tu ne veux pas qu'on nie ce que tu es. Bien sûr, ton père et ta mère t'autorisent à quelques écarts, pour le bien de la famille. Ils te laissent participer aux trafics. C'est un devoir, même. En dehors de cela, tu dois leur obéir au doigt et à l'oeil, rester soumise et obéissante. Mais la rébellion brûle en toi...

Dans les rues autour de la villa, tu erres, sans réel but, si ce n'est de tomber sur un cadavre quelconque. Quête glauque, que tu gardes secrète. Personne ne sait. Pas même ton frère. Tu redoutes ton jugement. Tu ne supporterais pas de voir de la déception dans ses yeux. Alors, comme d'habitude, tu mens. Tu caches ta réelle nature, même à ceux que tu portes dans ton coeur.

Appareil rangé dans le sac, cigarette au bec, tes yeux fouillent les alentours, à la recherche d'un bon sujet photographique. Mais ce soir, malheureusement, tout est si calme. Tu espérais tomber sur le cadavre encore chaud d'un Crimson Pistol, qui aurait osé s'aventurer jusqu'ici. Déçue, tu te résous à rentrer à la villa. Comme toujours, tu escaladeras la grille. Paieras le gardien, s'il te surprend. Puis, tu monteras le long du mur, jusqu'à ta chambre, au risque de déchirer ta robe et tu récolteras quelques bleus, au passage. Mais qu'importe, cette adrénaline est la seule chose qui te rattache au monde, qui te fait exister dans ce néant qu'est ta vie.

La grille escaladée, tu avances à pas de loup jusqu'au mur de ta chambre, quand, soudain, tu entends un bruit. Des pas. Ce n'est pas le gardien. Non, c'est une autre démarche. Ce son est familier. Silas. Ton frère. Qui sort donc, lui aussi, en plein milieu de la nuit. Tu n'as pas le temps de faire des hypothèses à ce propos. Instinctivement, sans trop réfléchir, tu te caches derrière un buisson. Mais le mal est fait. Il t'a entendue, sûrement. Haletante, tu essaies de te faire la plus petite possible, recroquevillée sur toi-même. Quel mensonge vas-tu encore pouvoir inventer? Et surtout, comment faire en sorte qu'il ne s'empare pas de ton appareil...