attendant que j'trépasse et parte vers l'au-delà. (angela)

j'vais parcourir l'espace, pas resté planté là
attendant que j'trépasse et parte vers l'au-delà
(angela & phil)

Les yeux fardés d’astres, elle réajuste de façon nonchalante la casquette noire qui orne ses longues mèches lunaires. Phil, réserve ta soirée. Planétarium. Besoin de toi jusqu’à 5:00. Elle a grogné, elle a juré. Princesse vulgaire, elle a fait éclore des insanités contre ce boulot éreintant. Cadeau empoisonné du padre. Elle vagabonde dans les soirées, attachée au poste sons et lumières, toujours flanquée d’une bande d’acolytes précieusement choisis. Ce soir c’était le DJ des abysses astronomiques. Soirée planétarium. Fringue toi en conséquence. s’était-il permis d’ajouter. Elle en aurait presque craché sur son téléphone.

Dans le silence elle a quitté la villa, vide de toute présence parentale ou fraternelle. Aux pays des fantômes, Philippine est reine. Scarifiée du silence de son entourage, elle rumine le soir venu quand Night Vale s’échauffe et que les balles affleurent dans le sable. Elle entend crisser les bagues d’argent qui ne caressent plus qu’le métal froid. Il n’y a guère qu’l’odeur de cuivre vermeille qu’elle ne sent pas encore monter dans sa gorge, bouffant d’la nicotine pour éviter de songer à ce que peut bien faire Satan dans son silence.

Remisée dans le bureau des employés, elle observe la grande salle noire qui ne va plus tarder à s’enflammer. Pause clope, on s’échange des gobelets de cafés pour être sûrs de passer la nuit. Avec ses lunes violettes aux coins des yeux, elle quitte un instant le poste allant respirer la dernière heure du jour à l’extérieur, croisant les serveurs futuristes et les aliens dansants de ce gag magistral.

Pas loin du mur auquel elle s’adosse y’a une voix étouffée. Celle d’une gamine brune qui s’époumone dans son mobile. Celle d’une traître qui ne mâche pas ces mots, croyant se trouver seule à l’arrière de l’imposant bâtiment. Passe ton appel dans un mégaphone aussi, crétine songe la poupée blonde en embrasant son bâton de cancer. Elle n’a besoin que de quelques minutes, le temps que la môme raccroche pour comprendre deux choses.

Celle là n’est pas une Capulet.
Celle là se nomme Angela de Valcourt.

attendant que j'trépasse et parte vers l'au-delà.

@Philippine Du Hammel & Angela De Valcourt

Bip. Bip. Bip. Tel est le bruit que fait son téléphone lorsque Cassandre l’appelle une nouvelle fois pour prendre des nouvelles. Elle lève les yeux au ciel, Angie. L’envie et l’opportunité d’esquiver l’appel s’offre à elle à nouveau. Malheureusement, elle devra bien si confronter à un moment ou à un autre, et plus vite ce sera fait, plus vite elle sera tranquille. Ses yeux se posent sur sa montre, accrochée à son poignet. Il est l’heure de la pause, mais ça elle aurait pu le devenir puisque l’odeur de café vient chatouiller ses narines depuis quelques minutes.

La brune se lève, la boule au ventre, sachant que si elle rappelle sa meilleure amie, c’est pour se disputer une nouvelle fois avec elle. Cassandre s’inquiète, c’est certain, mais elle devrait arrêter de l’appeler. Ca devient dangereux, trop dangereux et Angie est allait trop loin pour tout arrêter maintenant. D’un pas rapide, elle gagne une salle tranquille à l’autre bout du couloir où personne ne va jamais. Elle prend soin de refermer la porte derrière elle, afin d’isoler un maximum la pièce. Ses doigts pianotent sur son portable, tapent le numéro de sa meilleure amie. Et lorsque la voix cristalline de Cassandre décroche, Angela ne lui laisse pas le temps d’en placer une. « Bon sang Cass’, ça va faire cinq fois que tu m’appelles aujourd’hui. » Elle soupire, énervée. « Je t’ai dit hier que j’allais bien, les choses n’ont pas changé depuis ! » Sa voix porte, résonne sur les quatre murs qui l’entoure. En fait, elle cri presque, mais elle s’en fiche. Elle est trop énervée pour se rendre compte de ce qu’elle dit ou fait, trop énervée pour capter que quelqu’un pourrait l’entendre. Cassandre lui fait la morale, lui disant à nouveau que son plan est trop dangereux, qu’elle devrait rentrer et surtout, qu’elle n’est pas comme ces foutues bourgeois qui se croient au dessus des lois. « C’est la dernière fois que je te le dis. Je ne compte pas rentrer avant de les avoir tous enterrer six pieds sous terre, ok ? Les Capulet vont finir par payer pour ce qu’ils ont fait et rien ne m’arrêtera, pas même toi. Alors s’il te plait, arrête de m’appeler. » Furieuse, elle raccroche le téléphone et se précipite vers la porte d’entrée. Elle étouffe, Angie. Elle a besoin de prendre l’air, de sentir le vent foueter son doux visage.

Ce n’est qu’en passant la porte qu’elle manque de foncer dans quelqu’un adossé au mur. Elle lève les yeux vers la jeune femme à la casquette noire et là, elle se sent perdre pied. Philippine. Elle ne dit rien pendant quelques secondes, laissant l’anxiété l’envahir et la crainte la gagner. Est-ce que Phil a entendu ? Surement, quelle question stupide. Néanmoins, elle décide de ne pas s’avancer et part sur un tout autre sujet. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Elle n’avait pas pour habitude de croiser la blonde ici et d’après ce qu’elle savait sur elle, sur cette princesse bourgeoise, elle ne pouvait pas la sentir. Alors elle passe outre la politesse et va droit au but, histoire de vérifier ce que la jeune sait, si elle sait que c’est une traitre.

j'vais parcourir l'espace, pas resté planté là
attendant que j'trépasse et parte vers l'au-delà
(angela & phil)

Elle n'était certainement pas là au bon moment. L'genre de conversation qu'elle n'aurait pas du entendre. Mais l'destin fait qu'elle était là, la princesse faussement anobli. A entendre conter des histoires qui font fleurir des guerres et des attentats. Des trahisons et des montées à l'échafaud. Une Capulet faussement Capulet. Une de plus dans ce grouillement d'immondes précieuses. Un semblant de sourire germe sur les lèvres de la poupée, qui ne prend pas la parole avant d'avoir terminé sa cigarette embrasée. Elle prend bien son temps parce que ça lui plaît d'faire monter la pression et qu'elle a de qui tenir maintenant.

Elle sait comment faire jaser.
Elle sait comment emmerder.
Elle sait appuyer où ça fait mal.

« J'travaille. » argumente-t-elle après de longues minutes, son regard froid scellé d'écume marine jaugeant le bout de gamine brune qui se tient là, prise au piège comme un lapin devant son chasseur. « Et toi ? Tu fais quoi Angela ? » demande-t-elle, saisissant avec élégance l'accent français. On ne naît pas princesse pour parler la langue de Molière uniquement dans les mascarades.

Parce qu'elle a du temps à perdre avant que ne commence le grand départ de la soirée, elle tire une seconde cigarette de sa poche. La dernière, comme toujours. Tant pis, elle en taxerait à ses collègues. Elle l'embrase mollement, faisant chavirer la flamme devant ses yeux. Ses grands yeux bleus qui puent la vérité. Ses pupilles dilatées dans la nuit qui effraie l'oiseau égaré. Pourtant dans le regarde Philippine y'a écrit toute la sincérité de cet univers de cons. Balance tes secrets Angie. Y'a qu'avec moi qu'ils seront bien gardés.

Mais l'une comme l'autre elles ignorent qu'à bord de ce navire, les mutins sont les rois.