nuits fauves (basile)

ouest, 2017, au poney fringuant
Nuées pâles mollardées du bout des rosaces babines. Un Montecristo s'y consume. Un cadeau de Merle. Si ce gringalet n'a qu'un gland comme cervelle, ses goûts sur le choix des cigares ne sont plus à contester. Le mignon est au fait de ses péchés. De ses marques fétiches. Un Montecristo fraîchement importé de Cuba, ça se savoure. Ça envoie paître le bon dieu!
"P'tain, soit plus douce"
Esquisse d'une grime au grief du pantin désarticulé. Muette, elle poursuit son oeuvre, trouant la chair, y logeant quelques fils fraîchement désinfectés. Luron qui peste sous les bons soins de l'immuable fauve.
"P'quoi t'es si aigrie?"
Pourquoi?
Une question qui n'a plus sa place. Des souvenirs pour y répondre. Vestiges qu'elle préfère enterrer. Des rêves crevés. Des emmerdes à grande échelle. Putain de vie. Y a qu'des gosses pour avoir paillettes plein les yeux. Y a que l'enfance pour avoir la caboche noyée d'utopie. Quand cingle le premier déboire, l'illusion se désaxe de son charme. Ne subsiste qu'un parfum acrimonieux, une bile émétique.Ce jour dont elle se rappelle jusqu'au moindre murmure. Au temps des désillusions. L'enfance broyée.


envol d'icare

« BASILE ! T’VAS M’RAMENER TA SALE GUEULE, ICI PRESTO ! »
Aboi paternel. Cantique sublime. L’engrenage s’enclenche au chant de l’ogre. Sans daigner politesse, le tendron s’esbigne, détale loin de la branlante mansarde. Trébuche sur quelques ferrailles, jure au beau diable pour s’écrouer à l’autre bout du vaste dépotoir. Quelques castagnes entre le dît foyer et les grattes ciels du centre grandiloquent, l’allure pouilleuse se découpe dans le reflet des lucarnes intactes. Ca sent bon, c’est tout beau. Ce qu’elle appelle la terre sainte. Le Nord. La bourgade aux rêves. La rétine noyée de paillettes. Basile, elle y vient rêver. Flâner comme papillon au vent. Elle délaisse le crottin de sa banlieue, ambitieuse, étourdie, surtout farouche. Papa va se faire foutre. Lui et son boucher pour prétendant. Il a cru voir marqué  potiche aux petites miches et grande gueule à vendre au premier acheteur de dromadaire ?

« Qu’est-ce t’as à rire comme ça idiote ? »

Perdue dans le giron de ses rocambolesques pensées, Basile soubresaute lorsque se pâme un joli museau devant elle. Garçon de son âge. En collant. Cela explique sa grime. Idiote ? Craks. La mâchoire craque, l’ossature titube, l’insolent chavire à la déflagration charnue d’un poing correctement placé. Le mioche au tapis.

« T’as vu ta gueule ? »

Roture au bout du labre. Carence des bonnes manières. On ne mue pas de canard déplumé à superbe cygne en quelques secondes. Pourtant, c’est la manière au tendron de nouer amitié. La routine paternelle fichée dans le ciboulot. La manière forte.

Quitter le bateau, c’est survivre à la houle enfiellée. Se retrouver seule, un clan d’hargneux sur le dos. Alors, quand elle a dit « adios débilos » d’un gros fuck aux crimson pistols, les jours devinrent trémulants. La peur cramponnée au bide. Celle de l’échec. D’avoir papillonné en vain, loin de la fange, loin des remous rutilants. Le combat de chaque aube. Lorsque, débarquée de nulle part, la pouilleuse décrocha bourse pour financer ses études. Lorsqu’au milieu des requins du département de médecine, le porcin se distingua, émérite, chevronnée, génie sous l’échine. La sueur et l’insomnie d’une décade pour décrocher, au bout du tunnel, le papier immaculé certifiant son agrégation. Basile Chaplin, chirurgienne accomplie.

Gloire, notoriété pétillante, quelques années de mérite. Cadeau, réconfort des années estudiantines à se dévorer le moignon au sein de ses propres rangs. L’écho paternel résonne encore. Judas, lettres sanguines imprimées sur quelques vétustes lettres. Elle n’en a cure. Savoure victoire et envoie paître tout bon connard. Jusqu’à l’échec. La chute du titan. Erreur médicale. Certains s’en remettent, d’autres non. Basile est de ces naufragés. Calomniée, traînée dans la boue. Le tablier tombe et la muse cavale, suffoquant au poids des médias.

Baba. Qui c’est ?
Le messie d’Ouest, Jésus des scélérats, la bonne fortune aux casse-cous. C’est la vieille chouette fumant gauloises et montecristo, buvant bibine à flot et s’égayant de peindre un petit avion. Baba ? C’est le vieil ours dans sa grotte, où chacun va y siroter café douteux et mordre bonbons périmés. Le poney fringuant, ça rime avec électricité boiteuse et vieux jazz retentissant. Antiquité que la vieille radio qui jamais ne clappe sa gueule. C’est l’identité, le monde forgé par Basile au lendemain de sa bavure. Depuis, une succession de mésaventures, une vie de princesse dans la grandeur insalubre. Corps et âme ont pâti, donné de la chair pour survivre. Jusqu’à s’en désosser, devenant dépouille amer à l’aube de l’année 2017.

Cinq années, pas grand-chose pour certains. Une immensité pour le monde des bas-fonds. Elle ne compte plus, les visites incongrues de ses anciens pairs, la hargne des crimsons. L’intimidations des rois, fichus montaigus. Ni les barouds éclatés au sein de son cabinet. Des coups pris. D’étrangers venus se panser, d’amantes effarouchées. Et toujours, elle se relève, jurant et s’allumant clope au bec, distillant whisky dans son gosier pour noyer la saveur du sang. Et toujours, elle s’adosse au siège, paluche au cœur, lorgnant la lune en médisant. Putain de vie.



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