l'amour, pas la guerre (jeremiah)

Jeremiah. une clope entre les lèvres, tu tires nonchalamment une bouffée, inspirant longuement la boucane. tu regardes le monde autour de toi, et tu te dis : "les hommes peuvent bien creuver, la terre ne s'en porterait que mieux." définir les gens comme toi, c'est pas simple, jeremiah, je dirais même, compliqué. t'as jamais été un type mauvais à la base, quoique t'as certainement posé quelques mauvaises actions, mais tu ne les regrettes pas. tous ces mecs que tu as défigurés dans ta jeunesse, ils ont contribué à sauver ta fille, et pour cela, tu leur dois du respect, tu leur en es reconnaissant. en sauvant ta fille, tu les a également perdues, ta fille et ta femme, lorsque les flics t'ont mis la main au collet. mais si tu devais refaire ce qui a déjà été fait, tu le referais certainement. souvent, tu penses à elles. sara. lisa. tu ne les a pas revues depuis longtemps, mais tu ne peux véritablement en vouloir à la mère de ta fille d'avoir quitté cette ville maudite, en quête d'une vie meilleure, avec ou sans toi. sara t'écrit combien elles sont heureuses là-bas dans les lettres qu'elle t'envoie. chaque année, tu poses au mur une nouvelle photo de ta fille en uniforme scolaire. t'aimerais bien la voir en personne, mais sara refuse de la ramener ici, à nightvale, et comment pourrais-tu le lui reprocher. t'as toutefois du mal à te faire à l'idée qu'elle n'accepte pas davantage que tu leur rendes visite, mais sara, tu l'aimais et tu l'aimes encore, c'est pourquoi tu respectes sa volonté et que tu te contentes d'attendre la prochaine lettre, qui tarde toujours davantage, alors pour passer le temps, tu divagues, imaginant ce que ça aurait l'air d'être une famille à nouveau, et certains matins, tu joints les mains en inclinant la tête et tu récites dans ta tête : "dieu, vous qui êtes aux cieux, pardonnez mes offenses et gardez les toutes deux de la schizophrénie du monde. amen. " certains disent qu'il ne s'agit pas de croire en Dieu, mais d'avoir la foi.

Sara sous tes vêtements, des ecchymoses encore fraîches se dessinent sur ta peau claire, telle une triste constellation d'étoiles violacées sur ciel livide. ta main tremble violemment alors que tu cherches quel mensonge lui raconter, car révéler la vérité; ce serait dire à un homme assoiffé au milieu du désert qu'il est condamné, ou de dire à jésus que porter sa croix est un geste futile. chaque fois que tu lui donnes des nouvelles, tu entretiens le mirage au lieu de lui avouer que l'enfer ne se limite pas à une frontière, parce que jeremiah, il a désespérément besoin de se raccrocher à quelque chose, et toi sara, tu n'as pas le coeur de lui dire que son sacrifice aura été vain.

Lisa on dit que pendant les premières années de ta vie, tu étais toujours malade, mais aujourd'hui, on aurait bien du mal à y croire. les mains enfoncées dans ton sweatshirt, une paire d'écouteurs aux oreilles, tu marches d'un pas rapide vers l'arrêt d'autobus. comme toujours, le ton monte à la maison, et tu as ouvert le châssis de ta fenêtre pour t'enfuir à l'extérieur, loin du mélodrame qui se joue à la cuisine. la seule chose que ton beau-père sait faire, c'est dépenser la pension alimentaire versée par ton paternel en boisson et en jeux, et pourrir l'existence de ta mère. la raison pour laquelle cette dernière s'est laissée séduite par une ordure de la sorte demeure l'une des plus grandes absurdités en ce monde. soudain, tu te mets à courir pour rattraper le bus qui s'apprête à fermer ses portes. "vous allez où?" demande le chauffeur d'un ton bourru. tu prends une inspiration, avant de répondre : "nightvale." tout ce que tu connais de ton père, c'est un nom et le nom d'une ville. lorsque vous êtes parties, ta mère et toi, tu étais encore trop jeune pour te souvenir clairement de qui il était, et depuis toutes ces années, elle refuse de te parler de lui ou des circonstances ayant fait sorte qu'il s'est éclipsé de ta vie. "ce n'est pas à la porte d'à côté," commente l'homme. "peu importe." c'est la seule personne vers qui tu peux te tourner. s'il y a un homme qui peut peut-être t'aider, ce doit être lui. du moins, c'est ce que t'aimerais croire, mais tu n'es certaine de rien.
.