petite annonce (ashley)

C’était un soir. Sûrement comme un autre, comme bien d’autres. T’étais sorti du bar un peu pourri où tu bossais à l’instant. Et, t’avais entendu tes deux collègues parler de cette annonce. Si bien payée. Et, t’étais allé la chercher. La trouver. De quoi ça parlait, de quoi ça retournait. Quand t’avais compris que c’était pour conduire, t’avais pas hésité un seul instant. Pour pouvoir retrouver le goût de la route. Découvrir les lumières néons de cette ville la nuit. Découvrir les lumières soleils durant le jour. Peut-être même en sortir un peu. Pour aller loin ou non. T’avais pas hésité et t’avais envoyé ta candidature, peut-être sans trop d’espoir. Pourtant, cet argent. T’en avais tellement besoin. Oh, peut-être comme d’autre. Mais, sortir de cette routine mortelle. Trouver un ailleurs, changer d’appartement. Oui, tu le voulais tellement. Alors, t’avais postulé. Et un beau matin, t’avais reçu une réponse positive. Un simple coup de fil, un rendez-vous.

C’est peut-être là que t’avais un peu paniqué. Christian, là, debout dans ta piaule et dans tes fringues pas si reluisantes. Merde. Et c’est un peu en urgence que t’étais allé te trouver un putain de costume. T’en avais porté qu’une fois, il y a bien longtemps. Un longtemps dont tu ne voulais plus te souvenir, qui, n’existait plus. Oui. Quelques dollars. Tes maigres économies, pour t’acheter un costume ni trop cher, ni trop moche. Assez bien taillé dans ta carrure de rugbyman. Alors c’est un peu plus sûr que t’étais arrivé à ce rendez-vous qui ressemblait presque à un traquenard, là, à l’arrière de cet immeuble. Ne pas y faire attention. Ici, y avait tellement de choses sur lesquelles tu fermais si bien les yeux. Pour ne pas avoir de problèmes. Surement. Une pochette sous le bras, t’avais l’air d’un premier de la classe. Presque. Parce que t’avais toujours ta gueule de barbu, ta carrure de colosse. Mais, t’en avais rien à battre. On t’avait donné rendez-vous. C'était l'espoir.

Alors, t’approcher, le pas sûr. Parce que fallait sûrement pas que tu montres à tous, que t’étais mort de trouille. Mais, c’était peut-être enfin la fin de toute cette merde dans quoi tu t’enlisais. Un homme. Tu ne sais qui d’ailleurs. Le fameux patron ? Un autre postulant ? « Bonjour. Je suis là pour l’embauche. Pour être chauffeur. » De toute façon, fallait bien que tu commences par quelque chose. Et, ça, ça devrait suffire. Pour l’instant.

Tu le regardes et tu dis qu’au moins, ce n’est pas un gamin trop riche qu’il va falloir conduire. Tu sais pas si tu aurais apprécié. De conduire juste un gosse de riche. Là, c’est un homme. Peut-être un peu plus âgé que toi, t’en es presque certain. Une poignée de main, brève et rapide. Juste de quoi être poli et ça te suffit. Surtout que cet Ashley est déjà parti ailleurs, tu ne peux que le suivre. Ton regard s’étendant aux alentours. Et te faisant demander si tu n’allais pas finir dans un trou avant la nuit. Ça ressemblait, vraiment, à un endroit où tuer quelqu’un. Mais, l’homme continue de parler. Et toi, tu écoutes. T’es pas vraiment bavard Christian, alors tu écoutes. Un œil sur ton costume, oui, un peu trop juste, trop serré, trop petit. Mais, ce n’est pas ta faute si tu es…un peu balèze. Pourtant, tu te sens quand même un peu con. Oui, d’avoir fait tout ça pour rien. Les papiers, le costume. Finalement, t’aurais peut-être pu débarquer dans tes fringues de tous les jours qu’il n’aurait pas été choqué. Mais…pour toi, s’était quand même un peu important. On te l’avait appris, plus jeune, qu’il fallait faire bonne impression.

Quelques escaliers, plus d’ombre et vous vous retrouvez devant les voitures. Et tu n’as toujours rien dit. Muet comme une tombe à l’écouter. Tu grimaces un peu, petit bruit indigné dans la gorge lorsqu’il te dit que quelqu’un en a cassé une. Comment avait-il pu faire une chose pareille ! T’avais jamais, au grand jamais, cassé ton camion. Doucement, tu t’approches, les regardes. Quelques lumières dans les yeux. Il y a de beaux petits bolides. Magnifiques. Mais, lorsque ton regard se tourne vers ton patron. Tu te dis que ce n’est pas forcément l’idéal, un coupé qui file à vive allure. Peut-être plus une berline. Belle et forte. Belle et rapide. Parce que celle qui te faisait de l’œil répondait à tous les critères. Spacieuse à l’arrière comme à l’avant, de la place dans le coffre au besoin. Et, un moteur qui n’avait rien à envier aux autres. Ta main glisse doucement sur le toit de celle-ci. « Il faudrait être idiot pour avoir ne serait-ce que l’idée de vous conduire dans le désert. » Tu ne le regardes pas, faisant toujours le tour de la voiture, carcasse imposante quand tu te penches pour regarder par la fenêtre. « Invendable, on saurait de suite que c’est à vous. » Eh bien oui. À part peut-être en essayant de la vendre plus loin et encore. Parce que cet homme, il donnait l’impression d’être important, dans ses propos, dans sa petite collection de caisses. Donc, t’étais pas si con au point de l’abandonner, tu ne sais où.

« Celle-ci. » Tu relèves enfin les yeux pour le regarder. Ton regard droit sur lui. Parce que t’es pas un minot. Qu’il a beau être impressionnant, t’as toi aussi ton propre charisme. Même si t’es complétement flippé de ne pas avoir le job. Parce que putain, ça changerait ta vie. « Si c’est pour des courses classiques, il y a de la place pour des passagers, des affaires et elle est aussi puissante que les autres. Si cela vous convient bien entendu ? » Et tu te repenches vers celle-ci, fixes les sièges de cuirs, le volant aussi. Un tableau bord quasiment futuriste. Putain, t’as vraiment envie. De revoir les routes, de sentir à nouveau cette sensation d’aventures. Même si c’est juste pour faire le tour du pâté de maisons.