Eros planque une faux dans son carquois (Jamie)

Il pointe son arme sur cet homme, il lit la peur dans son regard, la dernière émotion qu'il exprimera sûrement. La cible lève les mains, elle implore le pardon mais cela ne sert à rien. La décision est déjà prise alors, après avoir pris une grande inspiration, Jamie appuie sur la gâchette, le coup part et résonne dans les rues de Night Vale, beaucoup trop silencieux ce soir là. L'assassin range son magnum 357 et s'en va, tournant le dos au cadavre, s'enfonçant dans les ténèbres, ce n'était qu'une routine. Pourtant il sentait son cœur se serrer à l'idée que sa femme ne le reverrait jamais. Jamie n'aurait jamais dû se renseigner sur lui mais il ne pouvait s'empêcher de vouloir connaître la vie de ceux qu'il abattait, sinon cela reviendrait à nier leur humanité. Comme d'habitude il enverrait une partie de son salaire à la famille qui était sûrement en train de dîner à cette heure là, la fille ignorant encore que son père venait de rendre son dernier souffle. Était-elle seulement au courant que ce dernier était un des plus grands malfrats de la ville ? Sûrement pas. Elle ne comprendrait pas. A cette pensée le cœur de Jamie se brisa un peu plus. Mais ce sentiment de culpabilité ne l'empêchait pas de vivre. Alors, après avoir enlevé sa veste, posé son flingue à côté et un couteau sous son oreiller, il s'endormit avec, en tête, la dernière expression de cet homme.

Jamie Hyde. Un nom choisi lorsqu'il avait commencé son travail de nettoyeur. Jamie, nom d'une banalité étonnante, pour paraître presque normal et Hyde pour rappeler la double facette. Un indice donné aux autres. Un avertissement. Ne vous approchez pas car vous ne le connaissez pas. Dans le milieu de la pègre, il se fait aussi appeler The Giver car il donne tout, l'espoir comme la mort. Son job consiste à effectuer des petits boulots pour des personnes sans importances. Seul critère pour que ce soit accepté ? Ne pas faire partie d'un gang. Eux, il les a en horreur. Chose insensée étant donnée que lui aussi est un messager de la mort. Mais ça n'a pas toujours été ainsi, à une époque il était heureux. C'était avant de découvrir la corruption, avant de voir la face cachée de ce monde, face dont il faisait aujourd'hui parti.

Marvolo Kennedy, voilà son vrai nom, celui que son père adoptif lui avait donné. L'enfant avait été recueilli par Dan Kennedy, militaire au sens de la justice prononcé, prêt à tout pour faire régner l'ordre mais faisant preuve d'une douceur sans égale lorsqu'il s'agissait de Marvolo. Ce dernier avait toujours cru qu son père était un héros, aujourd'hui encore il le pensait. Malheureusement, il était mort quand l'adolescent avait seize ans, il avait quitté ce monde avec pour seule instruction : « protège le ». Voici ces derniers mots qui résonnent encore parfois dans les rêves de Jamie. Protège ce monde ou protège ton coeur. Impossible de savoir à quoi son père faisait référence ce jour là. Mais cela n'avait plus aucune importance, il avait échoué aux deux. Le monde était encore dévoré par les ténèbres qui commençaient aussi à envahir son cœur. Le jeune assassin avait tenté de résister, en vain. Toutes ses barrières avaient cédés lorsqu'il avait appris la vérité. Ses parents n'étaient autres que des partisans des Capulet, le gang qui régnait au Nord, qui corrompait les autorités. Sa vraie mère, Margaret Hyde, l'avait accosté un soir, dans un bar aux allures pittoresques. Et lui l'avait écouté sans pour autant vouloir la croire. Pourtant elle lui avait apporté toutes les preuves, papiers de l'hôpital mais il lui avait dit de se taire, de cacher tout ça. Il ne voulait pas être mêlé à leur bande sans foi ni loi. Cette nuit là, il avait tourné les talons, comptant bien tourner la page. Son magnum 357 en main, le pistolet sur la tempe, il voulait en finir. Sa main ne tremblait pas, ses larmes ne coulaient pas. Il n'y avait que l'image de son père adoptif en tête. Protège le. Non, il ne se tuerait pas, il continuerait à agir dans l'ombre. Il reprendrait son vrai nom de famille, changerait son prénom pour que personne ne l'identifie à ce Kennedy qui l'avait élevé. Pour que ce nom là ne soit pas tâché du sang de ces victimes. .