miss atomic bomb (af)

(FILS DE PUTE) Il est de ceux qui naissent avec une petite cuiller en argent dans la bouche, et il est de ceux qui se voient à peine venir au monde qu’on leur enfonce déjà une bite au fond de la gorge. Malheureusement, Andreas fait bien partie de cette seconde catégorie. Il n’avait pas encore ouvert ses opales au monde émerveillé de cette nouvelle naissance, qu’il était déjà destiné à une vie crasseuse, à traîner sa frêle carcasse dans la boue et l’obscénité des bas fonds malpropres de la capitale suédoise. Mère prostituée, contre son gré, à la botte d’un proxénète mafieux grossier, vulgaire, dégueulasse, il ne lui aurait plus manqué qu’un ventre bedonnant pour être une caricature de lui-même, lorsqu’il a ouvert les yeux la toute première fois, ce n’est pas le soleil et la lumière qu’il a vu, mais bien l’obscurité d’un monde sale. Les ténèbres. La noirceur fait partie de sa réalité, depuis toujours, de son âme, et malgré ses vains efforts, il n'a jamais réussi à se défaire de cette décadence malsaine. (DR JEKYLL AND MR HYDE) Comme si un enfant dans le malheur ne suffisait pas, quelques années plus tard il se vit être rejoint par un jeune frère. Dualité du ressenti, il était heureux de constater qu’à présent ils pourraient être une équipe, et d’un autre côté il était profondément triste de réaliser qu’une autre âme innocente allait souffrir de cette perversion. Jamais reconnu par leur père, père prétendument inconnu au bataillon même si Andreas a toujours suspecté que le donneur de spermatozoïdes était bien cet être infâme et ignoble qui a asservi leur mère, celle-ci était bien trop faible pour s’occuper correctement d’eux, les gamins ont toujours dû se débrouiller par eux-mêmes. Pour ne pas se faire écraser par ce milieu froid de brutes sans compassion, déjà tout jeune il a appris l’importance de l’instinct de survie. Ingénieux et talentueux, très tôt il s’est vu naître une certaine passion pour les sciences, notamment la physique, la chimie et l’anatomie humaine. Pas idiot pour un sou, il a pris sur lui, a ignoré le sentiment d’horreur et de dégoût qui lui tordait les tripes jusqu’à lui donner la nausée, pour mettre ses aptitudes au profit de cette mafia dont il faisait partie à cause de cette descendance maudite. Devenir un pion pour ne pas être jeté aux déchets. (I WILL BURN THE HEART OF YOU) Encore bien jeune, et désespéré, mais Andreas n’a jamais été fou. Il avait ce rêve secret, et pourtant loin d’être absurde, de s’évader un jour très loin avec son frère et sa mère, pouvoir leur offrir une vie meilleure, celle que cette dernière n’avait jamais pu lui donner. Lors de ses longues nuits d’insomnie, il se prenait à fantasmer sur les nombreuses impossibles solutions de s’enfuir loin, pour une vie simple et bien plus rose. Comme toujours, lorsque ça arrive, ça ne survient jamais de la manière qu’on avait imaginée. Cela avait commencé comme une nuit affreusement habituelle. Pute préférée et maîtresse de ce monstre qui devait bien être leur père, leur douce mère avait été tellement ruée de coups, qu’elle en était devenue méconnaissable, couverte de bleus, de contusions, et le visage enflé de toute part. Si usuellement le jeune homme ne disait rien, cette fois il vit noir, fureur folle qui avait envahi son cœur pourtant normalement si calme et tranquille. Épris d’une volonté vengeresse, poussée par un faux désir de justice, il a décidé qu’il était enfin temps d’agir. Il a utilisé ses talents de chimiste en déclenchant un feu pour en finir avec lui dans d’atroces souffrances. Malheureusement, complètement aveuglé sur le moment, l’incendie est devenu très rapidement incontrôlable, et sa mère s’est sacrifiée pour les sauveur, lui et son frère. Élément traumatique dont il garde une effrayante cicatrice sur le bas du dos, marque physique alors que la culpabilité est toujours diffuse en lui. À partir de cet instant, il s’est promis de toujours profiter Sven, le benjamin. (HOPELESS WANDERER) Plus d’entrave, ils se retrouvaient également sans attache. Aucun endroit où ils étaient dans l’obligation où aller, ils n’avaient non plus aucun endroit où aller. Un gamin encore bien jeune, un autre gosse un peu plus vieux qui n’était même pas encore majeur universellement. Ils ont erré, pendant quelques semaines, devenant quelques mois. Ils ont survécu comme ils pouvaient. Volant, profitant de la naïveté des innocents, s’accommodant de corvées humiliantes, continuant leur chemin, leur voyage de toute une vie vers un monde plus beau. Une réalité qui restait assez sombre, et pourtant ils avaient enfin la sensation de respirer, et pourtant ils voyaient enfin cette lumière au bout du tunnel. Cette lumière est devenue de plus en plus grande, de plus en plus nette, jusqu’à ce qu’ils trouvent enfin son origine. La lumière était en vérité un néon fluorescent d’une ville aux apparences féériques perdue au plein milieu d’un désert. Night Vale, et ses jolis paysages roses. (THE SAINTS ARE COMING) Il disait rêver d’une vie simple, d’une vie heureuse sans complication. La vérité est toute autre. L’âme d’Andreas a été pervertie depuis bien longtemps, et la crasseuse dépravation coule dans ses veines. Sans étude, sans connaissance académique, sans passé apparent, il s’en sortait comme il pouvait, tout en continuant à couver son petit-frère. Ses capacités en chimie sont devenues tellement bonnes qu’il frôle une certaine perfection. Night Vale n’est pas toujours ce qu’il paraît, il s’en est rendu compte. Les néons aux couleurs criardes sont seulement beaux pour refléter une certaine mélancolie, pour cacher la noirceur des ténèbres. Étranger, il a pourtant appris au sujet de ces différents gangs qui semblaient se disputer un pouvoir plein de non-dits. Il a aussi compris que son défunt père inconnu n’avait pas totalement tort, et que le monde de l’illégalité peut rapporter beaucoup. Il a commencé alors à dealer, pire encore il créait sa propre drogue. Une drogue qui a eu un succès fulgurant, pour un petit voyou dans son genre. C’est ainsi qu’il s’est fait repérer par les Capulet, et qu’au lieu de le faire taire à jamais en le faisant disparaître mystérieusement, ils lui ont proposé une place dans leurs rangs en tant que chimiste. Voyant les portes d’une vie en hauteurs s’ouvrir, il a évidemment accepté. La fin justifie les moyens. (TEAR MY YELLOW DRESS)  Il s’est vite fait un petit nom chez les Capulet, même s’il a toujours fait attention à garder son identité et ses activités inconnues du grand public, puisqu’il est à l’origine de la recette secrète de la drogue phénoménale des Capulet. Peut-être qu’il était entrain de répandre un certain désespoir autour de lui, en faisant tomber des faibles personnes dans les abysses de l’addiction, un désespoir similaire à celui qu’il a vécu à Stockholm, mais, lâchement, il préférait fermer les yeux, et profiter de la vie qui lui était maintenant offerte. C’est ainsi qu’il est tombé sur elle. Gamine complètement perdue, perdue dans les rues, perdue dans sa vie, perdue dans la drogue qui coulait abondamment dans ses veines. Si, elle, elle était en manque de la substance qu’il créait, lui est tombé instantanément sous son charme, coup de foudre qui électrisa son cœur qu’il pensait pourtant mort, et, d’un simple regard, elle devint sa propre drogue destructrice. Cela se fait vite entre eux, peut-être trop. C’est bon, c’est mauvais, c’est passionné et passionnel, c’est destructeur. Il la veut, mais plus il la veut plus il est à elle. Il l’aime, il la hait pour l’aimer autant. Il veut la posséder, il veut l’anéantir à tout jamais, il veut la protéger. Il est perdu dans ce qu’il est censé penser ou ressentir, et bordel cela lui fait du bien, parce que cela le fait sentir vivant. (DUSK TILL DAWN) Toutefois, le Dieu est sadique, rieur et cruel. La vie n’est très assurément pas un long fleuve tranquille, mais une pente vertigineuse semée d’embûches qu’il ne faut pas descendre trop vite. Elle change encore du tout au tout alors que Sven, petit-frère qu’il a bien sûr emmené avec lui dans ses aventures illégales aux côtés de ces rois de la rue, se fait assassiner par un Crimson Pistol, il y a tout juste un an. L’homme calme à la force tranquille s’efface pour laisser place à un homme guidé par rien d’autre que ce désir brûlant de vengeance. Andreas plaque tout, en voulant au monde entier mais surtout à lui-même de ne pas avoir pu tenir la seule promesse qu’il n’a jamais prononcée, emportant une petite quantité de drogues avec lui, et surtout son savoir et son talent pour la créer. Il trahit les Capulet, qui ne sont plus rien à ses yeux que les mêmes que les Montaigu. À présent, c’est lui contre le reste du monde. Il ne veut pas faire son deuil, il veut trouver l’homme qui a abattu son frère, quitte à mourir ensuite. (NOBODY LIKES YOU, EVERYONE LEFT YOU, THEY’RE ALL OUT WITHTOUT, HAVIN’ FUN) La boucle est bouclée. Andreas a commencé du bas pour faire une fulgurante ascension fortement inattendue, et aujourd’hui il est retourné à la case départ. Obligé de fuir, obligé de se cacher, des Capulet comme des Crimson Pistols, Nolan le dissimule comme elle le peut. Il est obligé de nouveau de voler, d’arnaquer, de profit des plus faibles pour pouvoir survivre, complètement aveuglé par le besoin de retrouver cet homme et le faire souffrir, il ne voit pas qu’il se fait du mal à lui, il ne voit pas qu’il fait du mal autour de lui.



Le palpitant battant à un rythme effréné dans sa cage thoracique, à tel point qu’il en avait du mal à respirer, Andreas suivait les pleurs, pourtant discrets et diffus, qui étaient parvenus jusqu’à ses tympans l’instant où il avait posé les pieds dans cette baraque en ruines et délabrée, qui était pourtant malheureusement leur maison. Peut-être qu’il exhalait un peu fort, peut-être que ses pas résonnaient sur le parquet craquant de toute part dans ce silence lugubre, ais le jeune garçon ne semblait plus rien entendre d’autres que les gémissements étouffés d’un petit garçon, qui se rapprochaient au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans ce logis aux apparences hantées. Il eut la sensation que son myocarde s’arrêta violemment de battre lorsqu’il tomba sur la source de ces larmes de crocodile, recroquevillé dans un coin de la pièce sale et poussiéreuse, comme s’il essayait de se protéger de toutes cette cruauté du monde, ou alors de disparaître pour toujours comme s’il n’avait jamais existé. « Sven ? » Sa voix était sortie comme un murmure, et il se demanda l’espace d’une demie seconde si elle avait réellement audible, et pas seulement pour son esprit, pour son imagination. Mais, à peine avait-il expiré les mots, que le gamin se retourna vers lui, les yeux dans le flou, rouges et gonflés, embués de larmes qui trempaient ses belles joues roses. « ‘dreas ? » L’expression de l‘aîné, pourtant réputé pour avoir un cœur de pierre alors qu’il avait à peine une décennie, s’attendrit instantanément à la voix fluette et brisée de son petit-frère. Il se jeta à terre, aux côtés du petit pour le prendre dans ses bras, ne se préoccupant pas s’il le serrait trop fort, et encore moins s’il tâchait ou trouait son pantalon, seul vêtement qu’il avait acheté après avoir économisé de longs mois. « Pleure pas, Sven. » Il détestait voir son petit-frère ainsi. S’il ne pouvait pas protéger sa mère, ou la rendre heureuse, c’était une chose, puisqu’il n’était que son fils et qu’il n’était pas encore assez grand ou mature pour l’extirper des sales griffes de cet homme qui était plus monstre qu’humain. Mais son cadet, c’était encore autre chose. Il avait beau ne pas être encore un adulte, Sven était la prunelle de ses yeux, ce qu’il avait de plus cher au monde. Alors, faisant taire cette souffrance qu’il ressentait en le voyant dans une telle détresse, il lui sourit tendrement, et sortit un petit objet brillant de sa poche de manteau tout déchiré, stoppant instantanément les sanglots du plus jeune homme. Curieux, ses pupilles s’arrêtèrent sur le nouvel objet, et le fixèrent sans cligner une seule fois, malgré le sel qui arrivait à passer les cils. Une expression de surprise passa sur son visage lorsqu’il se rendit compte qu’Andreas tenait dans sa paume un harmonica. « Mais, ‘dreas, tu sais qu’on a pas le droit aux jouets. » Le sourire du gosse, qui ne l’était que d’âge et non d’esprit et encore moins d’âme, ne fit que s’agrandir, presque victorieux, comme s’il avait réussi à vaincre le mal qui les rongeait et dirigeait leurs vies depuis qu’ils avaient le malheur de venir au monde. Il fit tourner cette simple chose faite de métal dans sa main, la faisant briller à la faible lueur des quelques rayons de soleil qui osaient venir s’aventurer dans cette cabane. « Ce n’est pas un jouet, c’est un instrument de musique. » Cela pouvait sembler dérisoire, mais la différence était fondamentalement importante à leurs yeux. Andreas avait construit cet instrument tout seul, refusant de voler une chose aussi significative pour son petit-frère, et ce dernier vint refléter son propre sourire, lorsqu’il attrapa son nouvel objet préféré que le grand lui tendait. Et, sans attendre une seconde de plus, il souffla dedans. L’harmonica sonnait faux, même Andreas qui n’y connaissait rien en musique pouvait l’entendre, et pourtant, actuellement, c’était le meilleur cadeau qu’un enfant pouvait recevoir.




Le silence qui régnait à présent était encore plus effrayant, plus terrible que la tempête qui avait surgi quelques instants plus tôt. Andreas se tenait au milieu de la pièce en ruines, ruines qu’il avait lui-même provoquées, droit comme un piquet, son ombre n’osant même pas bouger ne serait-ce que d’un millimètre. La seule preuve qu’il était encore bien vivant, autre que le sang qui goûtait de son poing gauche pour venir s’écraser contre le parquet sombre, était sa poitrine qui se soulevait à chaque respiration douloureuse. La salle était un désastre, les tableaux qui n’étaient pas venus se fracasser au sol pendaient lamentablement sur le mur, qui était témoin des éclats de colère du quadragénaire, qui était venu balancer tous les objets qu’il avait à portée de main, agissant sous le coup de la rage qui l’animait depuis des mois maintenant, et qui ne semblait pas vouloir s’éteindre. Poing affreusement douloureux, dont certains os devaient probablement être brisés, et pourtant il arrivait peut-être trop bien à ignorer la souffrance physique. Il leva la main à la hauteur de ses yeux, habituellement lagons et aujourd’hui assombris à cause de la fureur, desserrant légèrement la poigne pour laisser apparaître l’harmonica souillée par son courroux et le sang qui était venu salir le fer rouillé. Il tourna brusquement la tête lorsqu’il entendit du bruit derrière lui, et il s’attendait peut-être à rentrer dans une bagarre à la fin non assurée, toutefois il ne tomba que nez-à-nez avec Nolan. Il expira bruyamment, quelque peu soulagé de la voir. Il avait envie de l’embrasser, de s’effondrer en pleurs dans ses bras, de la frapper, de déferler toute sa haine contre elle. Néanmoins, il resta immobile, au milieu de tous ces dégâts qu’il avait causés. « J’te jure, j’aurai ce mec, même si j’dois y laisser ma peau. » Sa mâchoire était blanche sous la force de son animosité, tout son teint était livide à cause de son aveuglement, comme si plus rien ne comptait à part cet homme qui, pensait-il avait ruiné sa vie en mettant fin à la vie de son petit-frère.