(raven) i want you forever even when we're not together

wake up with me

And all I wanna say
Is that we've been asleep for far too long
I hope that we can find another place to belong
So don't go
Come close

☾  ☾  ☾

Ca fait plusieurs jours qu'ils se sont pas vus. Presque dix. C'est pas habituel. En temps normal, ils réussissent toujours à se croiser, même quelques minutes, quelques secondes, juste le temps de s'observer. Ca fait une semaine qu'il l'évite, il a pas le choix. Il a Mick sur le dos, et il a du mal à s'évader. Ca le tue, de rester loin d'elle, de pas pouvoir la toucher, la regarder. Ca le tue, de la laisser dans l'ombre, comme s'il avait honte, comme s'il voulait l'oublier. Mais elle lui manque, trop, et peut être qu'il s'est donné du courage en se brûlant la gorge, en avalant des cachets. Il est un peu plus de minuit, et les étoiles le guettent dans leur ciel océan. Lui, il planque sa caisse dans la pénombre et escalade le mur du jardin. La nuit, la villa Capulet est moins menaçante. Elle ressemble plus à la forteresse imprenable qu'elle est. Il a pas le droit d'être ici. Pas le droit de s'aventurer si près du territoire ennemi. S'il est pris, il pourrait déclencher une guerre, il le sait, mais ce soir, il en a rien à foutre. Tout ce qu'il veut, c'est Raven. Alors, les yeux imbibés d'espoir, il grimpe le long de la roselière qui longe sa chambre. La lumière est encore allumée. Accoudé à son balcon, il l'appelle. « Raven ! » Un sourire, quand elle arrive à la fenêtre. Il sait déjà qu'il va prendre cher, rien que pour n'avoir pas répondu à ses derniers messages. Il voulait lui faire la surprise. Vu le regard qu'elle lui lance, il aurait peut-être pas dû. « Hi... »

sea fog

I missed my turn,
In the dark I hear your voice
It makes things easy
I’ve strayed too far from the road
Wish you could always make things easy
And I won’t fight through the rising tide
If that’s the way it has to be
Sea fog comes like a river
Rolls a stone it’s rolling me

☾ ☾ ☾

Les jours défilent et Raven elle prend les cachets comme des bonbons. Elle s’enfile d’la came en se disant qu’les heures passeront plus vite. Elle demande si ça sera toujours comme ça. Si elle passera plus de temps à s’demander si Abel, il a réussi à s’en sortir, qu’à être avec lui. Les astres auraient pas d’miséricorde. Pour eux, y’avait qu’des catastrophes. Des fins d’histoire et des lendemains sans prochain chapitre. L’bruit au balcon la déloge de son lit. Elle ouvre sa fenêtre, et Abel, il a un sourire brodé avec des millions d’excuses. « Raven ! » Les bras croisés, la colère s’mélange à tout l’reste. Il est pas mort. C’est c’qu’elle se dit en premier. Il est pas dans les rues, en train d’crever avec l’fantôme de son visage coincés dans ses paupières fermées. « Hi... » Elle regarde derrière lui rapidement, pas d’alarme. Elle s’précipite à sa porte pour la fermer à clé, avant d’le tirer à l’intérieur. « What on earth are you doing here ?! » Sa voix sort comme un murmure, comme d’l’inquiétude qu’elle a pas le droit d’avoir. Ils pourront pas bouger les montagnes. Ils pourront pas faire plier les règles, ils pourront pas devenir des héros alors que tout c’qu’ils sont, c’est des menteurs. « Think you’re Romeo, climbing up the balcony now ?! » Elle veut l’pousser, lui hurler dessus jusqu’à qu’il reste plus rien autour d’eux, mais Night Vale, c’est leur prison. La condamnation à laquelle ils pourront jamais échapper. Elle croise les bras encore une fois. Peut-être qu’la colère c’était plus facile à digérer qu’la peur de savoir qu’un jour, il pourrait jamais revenir. savoir qu’tout ça, c’était du vent, c’était déjà perdu d’avance. Qu’le fait de s’aimer, ça pourra jamais être assez. « You didn’t answer to any of my texts. »

let you down

Feels like we're on the edge right now
I wish that I could say I'm proud
I'm sorry that I let you down
Let you down

☾  ☾  ☾

Elle le tire à l'intérieur et y a collision entre leurs mondes. Ses yeux sont attirés par tout ce qui brille, les bijoux, les objets, le décor tout entier digne d'un rêve éveillé. Mais il rêve pas, Abel, il oublie juste un instant qu'il est chez l'ennemi. Les légendes explosées n'ont pas leur place ici ce soir. « What on earth are you doing here ?! » Un sourire au coin des lèvres quand il s'approche de Raven. Ses doigts qui tracent des itinéraires imaginaires le long de ses bras, les yeux gorgés d'excuses qu'il prononcera pas. Un Montaigu, ça ne demande pardon qu'à Dieu. Et peut-être qu'un jour, il rompra les pactes et les traditions, pour elle il serait prêt à tout, de toute façon, c'est bien ça qui lui fait peur. « Think you’re Romeo, climbing up the balcony now ?! » Son insolence s'étire dans un sourire.  « You didn’t answer to any of my texts. » Il lui doit des explications, il le sait. Mais il a pas envie de lui parler des bleus sur ses côtes, des plaies mal fermées sur son épaule, des éclats métalliques logés dans sa peau, de ses yeux noircis par le désert. Front contre front, pouls contre pouls, il avale son souffle avec un sourire de p'tit con. « Crimson business. » Il peut pas en dire plus parce qu'il attrape ses lèvres avec les siennes. Y a ses mains dans son cou, comme pour s'accrocher à elle, comme pour l'empêcher de se barrer. Des mots murmurés entre deux souffles. « I fucking missed you. » C'est rare que le gangster avoue ses faiblesses, mais il a pas le choix, sa plus grande faiblesse se tient juste en face de lui et il arrive pas à penser à autre chose. Raven dans ses songes, Raven contre son crâne, Raven chaque seconde et
dans
ce
putain
d'espace
entre
ces
putains
de
secondes.

someone to stay

You were alone
Left out in the cold
Clinging to the ruin of your broken home
Too lost and hurting
To carry your load
We all need someone to hold

☾ ☾ ☾

Raven et Abel, ils avaient besoin d’un autre monde, pour s’aimer. Ils avaient besoin d’exister à une autre époque, ils avaient besoin d’avoir d’autres noms, d’pas être une Capulet et un Montaigu. Les secondes elles avaient pas besoin d’défiler pour qu’elle sache qu’elle crevait de l’intérieur, quand il était pas à ses côtés. On les oublierait. L’temps passerait, et quand un des deux finirait en sang dans les ruelles de Night Vale, ça deviendrait une histoire qu’on oublie d’raconter. Ils pouvaient pas échapper au destin. Parce qu’Raven, son cœur cesse de battre quand elle sait pas s’il va revenir. Quand elle sait pas si c’est peut-être pas déjà terminé. Ils s’aimaient avec des secondes volées, des secondes qui leur appartenait pas. « Crimson business. » Ses yeux s’ferment, quand ses lèvres attrapent les siennes. Quand elle le prend dans ses bras, elle le sert un peu trop fort, et dans l’air, y’a des promesses qui pourraient jamais tenir. Des mensonges qu’ils s’racontent en silence. « I fucking missed you. » Elle a son visage qui s’réfugie dans son cou, comme si elle avait peur qu’ce soit juste un autre mirage. « If you did then why didn’t you answer mh ? » Sa voix qui s’perd dans un murmure dans la nuit qui a enveloppé Night Vale. Dans sa chambre, ils sont plus en terrain neutre. Y’a une abeille en médaillon autour de son cou et il devrait pas être là. Pourtant c’est presque trop facile, de s’rappeler à quel point ça pourrait marcher, s’ils étaient n’importe où ailleurs qu’ici. Une fois dépassée la pancarte de la ville, ils auraient pas d’règles à respecter. Des yeux verts comme la forêt qui s’plongent dans ses pupilles marrons, des millions d’murmures qu’ils pourraient jamais répéter à qui que ce soit d’autre. « I was worried to death. » Elle baisse les yeux, Raven, comme si elle avait dit quelque chose qui fallait pas. Comme si elle rendait tout plus difficile, comme si c’était pas juste, pour lui, d’savoir que son cœur se brisait quand il était hors de sa vue. « I thought they found out. » Sa main s’loge sur son torse, l’autre dans l’creux de sa nuque. La distance c’était devenue une putain d’chimère entre eux. « You’re too much of an idiot to successfully keep a secret. » Un autre baiser volé alors que la lune se dissimule derrière les nuages. Pas d’témoins. Pas pour l’instant.

come on

every minute we're living
is one closer to dying
so let's not waste this time

☾  ☾  ☾

Elle est là, tout contre lui, et il est quasi sûr qu'il savait pas ce que ça faisait, avant de la rencontrer, d'aimer quelqu'un comme si c'était la fin du monde. Comme si à chacun de leur contact, tout menaçait de s'effondrer. Y a des séismes dans leur regard, des ouragans dans leurs baisers, un cyclone quand ils finissent dans un lit. Il leur resterait jamais assez de temps pour s'aimer bien. Alors, Abel et Raven, parce qu'ils savaient tous les deux que ça durerait jamais, ils s'aimaient trop. Abel et Raven, parce qu'ils savaient que le moindre faux pas les sépareraient, ils se refusaient rien. Les escapades nocturnes, le tour du monde dans des rêves dits à voix haute, l'espoir qui troue le coeur à chaque promesse prononcée et dont on sait très bien qu'elle finira par se briser. « If you did then why didn’t you answer mh ? » Parce que c'est compliqué, de se cacher. De pas sourire quand il lit ses messages. De pas prendre sa caisse et se tirer à l'autre bout de la ville pour la prendre dans ses bras. Mais il a pas le temps de répondre, parce qu'elle plonge ses putains d'yeux dans les siens, et soudain y a plus rien qui existe. Il déteste quand elle fait ça. Quand elle lui prend tout ce qu'il a en un seul regard. « I was worried to death. » Mais ça dure pas longtemps, elle range ses émeraudes derrière ses paupières, elle le regarde plus. Lui, il continue de la regarder comme si elle pouvait disparaître à tout moment. Les bras enroulés autour d'elle, il la serre contre lui. Ca la retiendra pas. Il le sait. Il s'en fout. « I thought they found out. » Espace en voie de disparition, les visages se rapprochent, l'air se mélange. « You’re too much of an idiot to successfully keep a secret. » Un baiser volé. Un éclat de rire presque silencieux, parce qu'il faut pas qu'on les entende. Dans l'histoire, ils avaient tout à perdre. Leur famille, leurs amis, leur nom, leur destin. Mais, bizarrement, c'est pas suffisant pour les retenir. « Them finding out won't prevent me from climbing that fucking balcony of yours, you know. » Dans sa voix, ça sonne comme une évidence, même s'il sait qu'il pourra pas tenir sa promesse. Il essaye de pas y penser, à la fin qui les attend. Mais ça devient de plus en plus compliqué de vivre dans des illusions sans se briser le coeur. « Like you said, I'm too much of an idiot. » C'est dur de regarder l'amour de sa putain de vie tout en sachant qu'on finira jamais avec. Alors, il ferme les yeux quand il l'embrasse, quand il l'allonge sur son lit, quand ses lèvres s'égarent dans son cou, que ses mains parcourent son corps et que leurs vêtements tombent. Et, quand il finit par recroiser son regard, y a une nouvelle fissure sur son coeur. « There's no way I'm ever letting you go. » Ses lèvres s'approchent des siennes mais n'atteignent pas leur destination. Parce que soudain y a des coups à la porte et la voix d'un père qui se fait entendre.

Des regards paniqués, des coeurs qui battent trop vite, Raven l'ejecte du lit. Elle lui fout ses vêtements dans les bras, il chope sa culotte au passage. Un sourire sur sa gueule de p'tit con, ça tranche avec les réprobations de Rae. Ca va vite, elle ouvre la porte de son dressing et il s'y engouffre à reculons en lui volant un baiser à chaque pas qu'ils font, ça va vite, et soudain, dans un espace entre deux secondes, juste avant qu'elle ferme la porte et entre deux baisers, il murmure un « I love you. ».

sweet virginia

Wadin' through the waste stormy winter,
And there's not a friend to help you through.
Tryin' to stop the waves behind your eyeballs,
Drop your reds, drop your greens and blues.
Thank you for your wine, California,
Thank you for your sweet and bitter fruits.
Yes I got the desert in my toenail
And I hid the speed inside my shoe.
I want you to come on, come on down Sweet Virginia,
I want you come on, honey child, I beg of you.

☾ ☾ ☾

L’destin avait pas décidé d’être miséricordieux, pas pour eux. Ils avaient pas d’autres choix, pas d’autres échappatoires. Leur vie défilait comme un mensonge qu’ils pouvaient pas se permettre de perdre. La mélodie était toujours la même. Les sourires volés au détour d’une rue alors que personne regardait. Dans une autre vie, ils auraient pas eu à s’cacher. Dans une autre vie, ils pourraient s’tenir la main dans la rue. « Them finding out won't prevent me from climbing that fucking balcony of yours, you know. » Elle lève les yeux au ciel. Rae, elle a pas l’cœur de changer. Elle a son cœur qui s’perd dans les méandres de ce qu’ils auraient jamais le droit d’être. « Like you said, I'm too much of an idiot. » Ils s’embrassent, y’a son dos qui heurte le lit, ses vêtements qui tombent et leurs mains qui s’perdent en se disant qu’ils ont tout le temps au monde. Que l’horloge a pas déjà indiqué qu’leur temps était écoulé. Les minutes, elle veut les voler, s’dire qu’elles lui appartiennent, qu’elle aura jamais besoin de les rendre. Mais tout ça, c’était qu’une vague illusion. Elle le regarde, et elle sait qu’ils auront pas le droit d’avoir plus. Pourtant, quand y’a ses baisers qui s’perdent dans son cou, elle voit rien d’autre. Y’a les étoiles, y’a la décoration épurée d’sa chambre et elle voit qu’Abel. Encore et encore. « There's no way I'm ever letting you go. » Un sourire avant qu’ses lèvres se rapprochent des siennes. Sauf que quelqu’un toque à la porte. La réalité les frappe de plein fouet. Les illusions qui éclatent dans les airs comme les morceaux d’un miroir brisé.

Elle lui jette ses vêtements comme un fardeau qu’elle a pas envie d’porter, elle le pousse jusque dans son dressing. Il l’embrasse, encore et encore, comme s’ils avaient plus l’temps, comme si le père Capulet allait le découvrir, comme si tout était déjà terminé. Comme si les moments qu’ils avaient, c’était déjà trop. « I love you. » Elle baisse le regard. Elle l’entend en boucle dans sa tête. I love you. I love you. I love you. Elle lui répond pas. Elle dit pas qu’elle aussi, elle l’aime. Parce que le dire, ça rend l’tout un peu trop réel. Parce que l’dire, ça veut dire qu’il a gagné, et qu’elle a perdu. Y’a des combats qu’elle a trop peur de perdre, Raven. « Shut up. » Elle ferme la porte, elle se rhabille. Pas d’culotte. Shit Elle ouvre la porte, un sourire qui illumine son visage. Ses propres mensonges qui l’étouffent à chaque respiration, à chaque fois qu’elle ouvre la bouche pour dire que tout va bien. Qu’il a pas de soucis à se faire. Que non, elle a rien vu. Personne est rentré. Raven, elle a son cœur qui bat tellement fort qu’elle se demande comment il fait pour pas l’entendre. Quelques minutes passent, et elle referme la porte, elle attend et ouvre celle du dressing. Elle a peur qu’il devienne un fantôme de plus. Une occasion ratée. Une raison d’plus de voir sa vie comme une série de « presque » et de « et si ». « What the hell do you think you were doing huh ? » Elle rentre dans l’dressing, elle a peur d’croiser son regard. Peur qu’il s’rappelle qu’elle l’a pas dit. Peur qu’ses propres mensonges finissent par les engloutir. Mentir à tout le monde, c’était facile. S’mentir à elle-même, c’était devenu une habitude dont elle arrivait pas à se débarrasser. « Did you plan this ? » Les bras croisés, y’a des tempêtes dans son regard et l’temps est suspendu dans l’obscurité. « … Did you just steal my thong ? » Elle s’adosse contre la porte. Abel elle pensait pas qu’elle aurait besoin d’lui comme elle a besoin d’air. Et ça lui crame les poumons d’imaginer qu’ça se terminerait jamais bien pour eux. « This is all a game to you »

come on

every minute we're living
is one closer to dying
so let's not waste this time

☾  ☾  ☾

« Shut up. » La réponse lui coupe le souffle, mais il le montre pas. Il se cache derrière ses yeux qui brillent, son sourire au coin des lèvres, derrière la porte refermée un peu trop brusquement. De l'autre côté, y a Raven qui fait comme si de rien n'était. Lui, il accuse le coup sous la lumière zébrée du dressing. Puis, sa curiosité le rattrape. Il bouge, doucement, fait glisser les doigts le long des robes de Raven. Ils ont pas la même vie. Ils auront jamais la même vie. Le petit prince du désert n'a rien à faire au nord. Ici, il n'est rien d'autre qu'une anomalie. Il entend la porte de la chambre qui se verrouille. Il reprend place, et il l'attend. Son coeur bat à cent à l'heure. Il essaye de l'ignorer. « What the hell do you think you were doing huh ? » Il s'attendait pas à ça. Devant lui, elle brûle, Raven. Ca, pour brûler, elle brûle, quand elle le regarde comme ça, comme s'il l'avait trahie avec ses dernières paroles. Il crève les yeux, cet incendie, et il l'éteindra pas. « Did you plan this ? »Ca y est, y a un orage qui traverse ses iris et les voilà qui coincent la guerre entre leurs regard. Y en a pas un qui veut perdre avant l'autre. Jusqu'ici, ils étaient censés s'amuser, rien de plus. C'est lui qui a tout rendu réel avec ses putains de mots. Il aurait mieux fait de fermer sa gueule. « I don't know, did I ? » Il troque ses doutes contre son insolence. Il sait déjà ce qu'elle va lui répondre. Ils ont pas le droit de s'aimer. Il le sait. Il avait pas le droit de le dire. Pas à voix haute. Même un murmure, ça suffira jamais. Leur présent, c'est jamais rien que les ruines de leur futur. « … Did you just steal my thong ? » Il hausse les épaules, prend l'air de l'innocent qu'il est pas. Il fait le mystérieux, il répond pas. Mais déjà, y a son sourire qui le trahit en fissurant son visage pour mieux cacher les brisures de rêves qu'on aperçoit dans ses yeux. « This is all a game to you » Il laisse quelques secondes passer. Il répond pas tout de suite. A la place, il s'avance. Il réduit l'espace qui les sépare. La fleur au fusil, c'est lui qui rend les armes. Il a rien à prouver. Et elle pourrait le tuer sur le coup, si elle continuait à le regarder comme ça. « I love you, Raven. » Cette fois-ci, c'est pas un murmure. C'est assumé. Il la met dos au mur, Raven. Elle a plus le choix. Il la regarde, avec ses grands yeux noirs et sa barbe de trois jours. Ca crève les yeux, il pourra jamais se fondre dans son décor. Y a des histoires tatouées à l'encre noire sur sa peau, des blessures de guerre, les traces encore fraîches de ses ongles dans sa peau. Raven et Abel, ça aurait jamais dû arriver. Ou peut-être que si. Peut-être que ça fait partie de ces choses, comme les comètes ou les éclipses, qui sont prévisibles car elles n'arrivent qu'une fois tous les vingt ans. Mais le truc, c'est que les comètes et les éclipses, ça dure pas. Ca brûle et ça explose, en quelques minutes, ça disparaît. Et lui, il refusait de disparaître sous le poids de l'aube. Il refusait de laisser le soleil effacer ses promesses. Alors, il la regardait droit dans les yeux quand il répétait encore une fois les mots interdits. « Whether you like it or not, I love you. » Il lui tourne autour, avec son sourire de p'tit con, il s'éloigne, à reculons en lançant le butin en l'air, comme il le ferait avec une balle. « And yeah. I stole it. What're you gonna do about it huh ? »

first mind

Late in the evening I think upon
You and I on the tree and the stone
My love for you is natural
Self evident like the tree and the stone
Self assured, freedom of form
Why would we ever second guess
When we both say the first mind is best
Steadily we become
So let it run, let it run

☾ ☾ ☾

Etouffée par les mots qu’elle n’arrive pas à dire, Raven se perd dans des constellations inconnues. Avec des promesses qu’elle n’a pas le droit de tenir et des choses qu’elle n’a pas la possibilité d’oublier. Elle a ses yeux perdus dans les abysses de tout ce qu’elle a toujours voulu, de tout ce dont elle a pu rêver. Y’avait des soirs où elle aurait pu crever, rien qu’pour entendre quelqu’un lui dire qu’il l’aimait. Rien qu’pour fermer ses yeux et imaginer un futur où elle aurait pas à disparaître dans l’désert. « I love you, Raven. » Il le répète, encore une fois et son cœur explose dans sa poitrine. Elle savait pas qu’elle se trouverait perdue entre tout ce qu’elle avait peur de devenir avec lui. Elle savait pas qu’il y aurait des étoiles dans ses yeux, quand il lui dirait. Elle avait rien prévu, elle contrôlait plus rien, et ça la bouffait d’l’intérieur. « Whether you like it or not, I love you. » Elle a un léger sourire, ceux qu’personne arrive à déchiffrer, ceux que personne arrive à comprendre, avant de détourner le regard. L’fantôme d’un souvenir qui lui a jamais appartenu, d’visages qui se mélangent et se perdent dans la masse. Ils auront qu’ça, des ‘je t’aime’ volés à la sauvette et des illusions dès qu’ils ferment leurs paupières. Il y avait pas de gloire dans leur chute. Pas d’belle histoire à raconter. Il y aurait qu’les ruines de tout ce qu’ils auront construit un peu trop rapidement pour que ça demeure réel. « And yeah. I stole it. What're you gonna do about it huh ? » Elle secoue la tête. Elle sait qu’tout se termine. Elle sait qu’à Night Vale, la seule chose qui restera toujours, c’est qu’il était un putain d’Montaigu, et elle serait jamais rien d’moins qu’une Capulet. Ils avaient pas l’droit d’se choisir. Elle voulait lui dire, qu’elle aussi, elle l’aimait. Sauf que si elle le faisait, elle savait ce que ça lui coûterait. Elle savait qu’à chaque fois qu’il quitterait la pièce, ça lui crèverait encore plus le cœur de le laisser s’en aller. Elle voulait jamais l’laisser tourner les talons.

Quand leur monde entraient en collision, ils pouvaient pas se lâcher. Comme s’ils étaient attachés par quelque chose de plus fort qu’le destin, qu’la liberté, que les mensonges. Quelque chose qui dépassait le désert et les constellations. « Could you stop saying that, please ? » Pourquoi est-ce qu’ils avaient pu penser être plus fort que tout ce qui avait été établi auparavant ? Comment est-ce qu’ils pouvaient prétendre qu’ils avaient l’choix, qu’ils pouvaient redessiner les règles pour qu’elles leur conviennent ? Raven, elle a que des illusions qui refusent de la quitter à chaque fois qu’Abel plonge son regard dans le sien. Elle voulait arrêter de disparaître, un fantôme parmi les vivants qui crèverait d’envie de plus jamais être invisible. Elle l’était pas, pas pour lui. Dans une pièce qui baignait dans l’obscurité, ils se verraient toujours, comme si y’avait qu’ça qui pouvait les maintenir en vie. Elle veut pas lui briser l’cœur. Elle veut pas l’regarder et lui dire que ça pourra jamais marcher. Que ce qu’ils ont, ça sera jamais plus que des regards volés et des sourires qu’ils adresseront à d’autres âmes perdues dans la foule, en s’disant que s’ils pouvaient, ils se lâcheraient jamais. Raven, elle voulait tout, et elle voulait trop. Y’a jamais eu de demi-mesure. Un soupire, elle baisse ses pupilles vers le sol. Ses regrets enfermés dans une tour d’ivoire qu’elle n’a jamais osé quitter. Peut-être qu'ses rêves, c'était des conneries, des illusions de gamine qu'elle aurait jamais dû avoir. « What are you gonna do with it anyway ? Keep it under your pillow like a psychopath ? »

come on

every minute we're living
is one closer to dying
so let's not waste this time

☾  ☾  ☾

« Could you stop saying that, please ? » Elle est glaciale, Raven et elle a les mots scalpels. Sur sa peau, elle trace ce qui deviendra une cicatrice. Puis deux. Puis dix. Et il a le coeur qui lâche quand elle éteint le feu dans ses yeux.Tête baissée, l'amoureux s'allonge sur son lit, le visage fissuré par les rêves. Elle avait raison. Il aurait pas dû venir. « What are you gonna do with it anyway ? Keep it under your pillow like a psychopath ? » Il garde la face, comme si ça allait changer quoi que ce soit. L'égo lui dit de se barrer, la fierté lui dit de la larguer. Il fera rien de tout ça, il en a pas la force. Ca fait des jours qu'il attend de pouvoir la regarder, la toucher, entendre sa voix, la faire rire. Ca fait des jours qu'il est en manque et comme un addict il revient. Peu importe le mal qu'elle lui fait à se moment là, il a trop besoin d'elle pour faire le difficile.  « Not quite. » Il est faux, le sourire qu'il lui offre. Faux et plein d'amertume. Le comédien joue pas ce soir, vague à l'âme, coeur en miettes. Il ose même plus la regarder. Il aurait dû s'en douter et il le sait. Il arrive pas à les regretter, pourtant, les mots qu'il a prononcés. Parce qu'ils étaient vrais. Parce qu'il y a jamais eu rien de plus vrai. Tout le reste sonne terriblement faux, comme son putain de sourire. Il a pas l'habitude de se faire recaler, Abel, c'est toujours lui qui plante sa lame dans les coeurs, et pas le contraire, jamais le contraire. Faut croire qu'avec elle, il a eu faux sur toute la ligne. Ca le tue, de s'imaginer qu'il a pu se tromper à ce point. Il est tombé dans son putain de piège. Et maintenant, il sait plus comment s'en sortir. Il sait même pas s'il en a envie. Alors, il fait des blagues, il gagne du temps.  « I'll sell it on the black market. » Un éclat de rire étouffé dans sa gorge, il a du mal à s'avouer vaincu. Pourtant, il aurait du le savoir depuis le début, qu'il avait perdu. « Wanna bang ? »

colourway

But I don't know where we went
My dear don't unfold me
And call it all pretend
Be here and be holy
I don't know where we went
My dear don't unfold me
I'm coloured in again
In you

☾ ☾ ☾

Elle voulait pas se l’avouer qu’elle l’a vu, dans ses yeux, quand elle a brisé son cœur en mille morceaux. Elle avait le regard fuyant, des étincelles qui refusent de s’allumer. Un monde qui tourne et des promesses qui s’effacent. Raven elle a peur de lui dire tout ce qui se cache, derrière les beaux vêtements, derrière les tapisseries et les diamants. Terrifiée à l’idée qu’il voit qu’au fond, elle n’avait jamais rien eu de spécial. Une image dont elle contrôlait les moindres mouvements, comme si elle pouvait chuter à tout moment. Elle a le cœur à la renverse, rien qu’à le regarder douter de tout ce qu’ils ont pu avoir jusque-là. Sauf qu’ils avaient plus aucun doute à avoir. C’était vrai, et ça l’était peut-être un peu trop. Ça l’étouffe jusqu’à ce qu’elle peine à respirer. Raven elle n’arrive plus à mentir à son propre reflet, ça lui crève son âme. « Not quite. » Abel, il a le sourire d’un gars qui vient de tout perdre, les illusions se dissipent dans ses iris. Elle a envie d’les rattraper, de lui dire qu’il a pas à s’laisser mourir de l’intérieur. Elle a envie d’lui dire qu’ils auront encore le temps pour des promesses et des faux semblants. « I'll sell it on the black market. » Elle affronte pas son regard. Distant dans la pièce illuminée par la lumière de la lune, elle se perd dans les conjectures de tout ce qu’ils ne pourront jamais être. « Wanna bang ? »

Un soupir, une éternité qui s’dessine dans chacune de ses expirations. Raven, elle lève les yeux et elle le regarde enfin. Elle murmure un secret qu’elle arrive même pas à s’avouer. Elle murmure tout ce qu’elle ose pas dire à voix haute. Les secondes défilent dans leur univers. Les étoiles naissent et meurent, un spectacle interminable dans les astres que forment leur histoire. « I… I do too, you know. » Ses lèvres tremblent un peu. L’regard humide, elle croise ses bras. Elle se rapproche pas pour autant. L’dire, ça rendait leur tragédie un peu trop réelle. « I do too. » Elle hausse les épaules. L’air est trop épais et elle respire plus. « You saying it makes it just… You know. » Elle voulait pas admettre que leur histoire devrait se terminer. Qu’il y aurait un point final. Qu’l’un d’entre eux devra crever dans l’sable et le sang. « So quit that abandoned puppy look, will you ? »

sugar burn

your sugar still burns
on my tongue

☾  ☾  ☾

Y a un silence. Puis y a collision entre leur regard. Le temps, comme Abel, est suspendu à ses lèvres. Il attend. Le coeur qui frappe contre son torse, il attend. Comme un lion en cage, il attend. Y a des brisures dans ses yeux, des éclats de peur, peur qu'elle dise que tout est fini, qu'elle lui demande de se barrer. « I… I do too, you know. » Une chambre à peine éclairée dans une vallée oubliée. Au milieu du désert, deux ombres osent à peine murmurer ce qu'elles n'ont pas le droit de dire. Il se redresse pour mieux la voir.  « I do too. » Puis il se lève. Ca y est, il a le coeur qui lache. Raven, elle bouge pas. Elle est coincée à l'autre bout du précipice. Et lui, il a qu'un pas à faire pour l'entraîner avec lui. « You saying it makes it just… You know. » Il sait. Il sait exactement ce que ça veut dire. Il sait qu'il aurait pas dû, mais c'est trop tard. les mots lui ont échappé. Comme s'il pouvait plus se retenir. « So quit that abandoned puppy look, will you ? » Un sourire au coin des lèvres, il attrape son bras pour la tirer contre lui. Puis, c'est mécanique, y a même plus à réfléchir, ses lèvres chopent les siennes et les lâchent plus. Il la lâche plus. Dehors, le soleil menace de se lever. Il refuse de regarder. Les légendes pourront jamais les rattraper.